Le 14 novembre 2017
- Scénariste : Cyril PEDROSA >
- Dessinateur : Nicolas GAIGNARD
- Genre : Science-Fiction
- Editeur : Delcourt
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 18 octobre 2017
Dystopie troublante qui prend la vérité à bras-le-corps.
Kader est un ouvrier chargé de surveiller les champs éoliens d’une France de 2050, subissant le couvre-feu et les contrôles drastiques d’un État autoritaire. Sa vie n’est cependant pas celle de tout le monde : ancien collaborateur politique, il a subi une injection d’un sérum de vérité nouvelle génération, qui l’oblige à dire la vérité tous les jours, à tout le monde. Sartre a dit que l’Enfer, c’est les autres, mais la vérité perpétuelle y ressemble. Le fardeau de cette obligation passe au début inaperçu dans un monde fasciste, où un coup d’État a mis au pouvoir une présidente qui a des airs d’extrême-droite, dans une France repliée sur elle-même, mais encline à frapper ceux qui ne se courbent pas assez. Pourtant, le titre de l’œuvre prend de plus en plus d’importance au fil des pages, tant il impacte la vie quotidienne du héros, avant de s’infiltrer dans toute la trame du scénario. Kader correspond à un antihéros, le sérum l’a réduit à parler peu, et souvent mal aux gens qui l’entourent. Alors qu’il apparaît apathique, on nous explique que c’est à cause de la médication, s’il est trop discret discret, c’est pour éviter les représailles qu’il a déjà subies. L’épisode qui le montre en médiation avec son ex-femme et surtout sa fille correspond à un point de bascule : humain, le héros effacé fait pitié, mais de manière très empathique. Sa tristesse le porte alors dans le cœur du lecteur, qui peut s’attacher, donnant à l’œuvre une portée sensible que le décor et le rythme empêchaient jusque là.
© Delcourt
Bande dessinée d’anticipation, il s’agit presque un roman graphique qu’a composé ici Nicolas Gaignard pour traiter de la vérité. Les barrages, rafles et interrogatoires sont menés dans un contexte et un décor gris, triste et pauvre. Attention, le dessin ne l’est nullement, mais c’est l’atmosphère qui est dépeinte, clairement et sans détours, comme un pâle reflet d’une France d’aujourd’hui, dans un futur étouffé et étouffant. Le dessin est ainsi un peu désespérant, mais finalement bluffant de vérité, à l’image du sérum qu’il cite sans jamais le montrer. Bloc de béton brut qui se fissure petit à petit, la façade de l’album laisse passer quelques couleurs, sourires et vies au fur et à mesure, que l’on gobe avec avidité. Cette désolation du dessinateur permet de faire mûrir la réflexion du lecteur.
© Delcourt
Claque anticipée de ce que la société pourrait donner si les votes se tendent dans les années à venir, Sérum n’a pas un charisme extraordinaire mais bien une puissance insoupçonnée. De quoi retourner le lecteur, qui peut y voir plusieurs vérités, mais une bien au centre de toutes : cet album est performant dans son message et ses pages.
153 pages - 18,95€
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