Le 28 janvier 2004


Vila-Matas entraîne son lecteur dans un bavardage pétillant d’intelligence et d’ironie. La maladie n’est pas mortelle !
Vila-Matas entraîne son lecteur dans un bavardage pétillant d’intelligence et d’ironie. La maladie n’est pas mortelle !
Vila-Matas est un promeneur, un espion, un incompris, un voleur, un malade. Surtout malade, d’ailleurs, dans ce Mal de Montano, qui n’est autre que la maladie de la littérature. Parler, penser par la voix des autres, raccrocher chaque expérience de sa vie à une exemplarité littéraire, écrire ou ne pas écrire, se laisser habiter par les souvenirs d’un autre, d’un Musil, Walser ou Gombrowicz. Mêler jusqu’à la confusion la vie et l’œuvre, au point de perdre la vérité des personnages, égarés entre la vie et la page, au gré des images et des associations.
Vila-Matas nous étourdit dans les méandres de son discours et de ces digressions dont il joue avec bonheur, dans une réflexion qui tourne encore et toujours autour de l’écrivain. Télescopage du temps et de l’espace, en littérature, "tout est présent". Un présent inlassablement recréé, rejoué, remanié, en une sorte de vérité fictionnelle qui prendrait vie au cœur d’un pays imaginaire dont le narrateur enrichit scrupuleusement la topographie : une carte du tendre à l’usage de la plus belle des amantes, la littérature. Des lieux mythiques se détachent, symboliques et exemplaires : une montagne suisse où même les horloges portent des stigmates littéraires, et la nature des traces de la mort de Robert Walser, les Açores, au cœur de l’océan, où se cacherait l’écrivain secret, incarnation du mal de Montano.
Vila-Matas laisse filer les mots comme ils viennent, virevoltants, et trace son chemin, entre escales et détours, vers ce qui fait le cœur de son œuvre : le mystère de la création.
Enrique Vila-Matas, Le mal de Montano, (El mal de Montano, traduit de l’espagnol par André Gabastou), Ed. Christian Bourgois, 2003, 399 pages, 25 €