Notre avis : Comme en témoigne l’exposition Le merveilleux scientifique. Une science-fiction à la française, Maurice Renard a cherché, au cours des trente premières années du XXème siècle, à créer un genre littéraire nouveau, dont la caractéristique première est de s’appuyer sur le progrès des sciences et des techniques, pour imaginer de vraisemblables aventures littéraires et artistiques, fondées sur les découvertes du temps. Cette rencontre entre science et littérature prend la forme d’un mariage qui, dans l’esprit de Maurice Renard, relève passionnément des lumières de la rationalité et de la foi scientiste, si typique de l’époque.
Une fois franchi l’obstacle du style auquel on s’habitue au fil des pages, ce feuilleton se lit comme un roman qui hésite entre l’histoire sentimentale à l’eau de rose, la science-fiction, le polar et l’essai historique. La trame « fleur bleue », assez simpliste et cousue de fil blanc, confère d’abord à cette lecture un statut plus symbolique que documentaire. Dans le même ordre d’idée, des moments clés de l’énigme policière ne peuvent qu’amuser – par exemple, ce rebondissement qui corrige une fausse évidence, selon laquelle la vérité sortirait de la bouche des enfants, alors qu’ici, elle sort … du bec du perroquet. Mais le propos du roman est plus large : il justifie une lecture à plusieurs degrés, à des niveaux d’interprétations et d’intérêts sans doute adaptés au format journalistique, feuilletonnesque et « story-tellé » du moment de sa parution. Par les moyens de l’art, de la fiction, de la littérature, le romancier assume un rôle de passeur, de médiateur, de vulgarisateur scientifique qui le conduit à évoquer les potentielles exploitations de ces progrès des sciences et des technologies. Il montre aussi que la part d’inexplicable et de surnaturel dans l’observation de phénomènes naturels sidérants n’est que transitoire et qu’elle finira par se résorber, grâce à l’esprit rationnel qui permet aux savants de repousser les frontières de l’ignorance et de l’obscurantisme. Sans qu’il en soit fait état explicitement, l’influence des pionniers de la mécanique quantique se devine. Cette nouvelle science, qui trouve l’une de ses racines historiques dans l’explication par Albert Einstein des effets photoélectriques et dans son calcul de la célérité, ouvrait alors la voie à une meilleure compréhension des caractéristiques de la lumière et de sa composition en photons. Pour Charles Christiani, le personnage central de l’intrigue, en rester à une interprétation animiste, spirite ou magique constitue un renoncement à l’esprit scientifique et rationnel qui doit être celui de l’historien. Pouvoir admettre que ce qu’il voit du passé, grâce aux plaques de luminite, a bien eu lieu, c’est pour lui prouver que la science, en progressant, contribue à rendre intelligibles et rationnels de tels miracles. La théorie de la relativité restreinte tient lieu de fondement scientifique à ce qui, sinon, pourrait n’être lu que comme des élucubrations.
Ce roman se prête donc à une lecture à plusieurs angles et plusieurs niveaux. Par ses références à des œuvres du patrimoine littéraire mondial – Orphée et Eurydice, Tristan et Iseult, Roméo et Juliette …-, par le tableau de l’état des savoirs scientifiques qu’il peint à grands traits, par la démarche d’historien du héros, il est aussi aujourd’hui une mine d’informations, pour assouvir une curiosité encyclopédique, ainsi que pour approfondir des notions et mener un travail à la fois historique et pluridisciplinaire, dans le cadre d’enseignements scolaires.