Le 7 avril 2025
Emblématique d’un certain cinéma post-soixante-huitard, ce premier long métrage de Pascal Aubier bénéficie d’un ton décalé et d’un appréciable humour au second degré.


- Réalisateur : Pascal Aubier
- Acteurs : Bernadette Lafont, Fabrice Luchini, Alain Cuny, Rufus, Albane Navizet, Alexandra Stewart, Hans Meyer, László Szabó, Ivry Gitlis, Clément Harari, Jean-Claude Rémoleux, Yves Afonso, Yves Vincent, Marthe Mercadier
- Genre : Comédie dramatique, Espionnage, Politique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Framo Diffusion
- Durée : 1h30mn
- Date de sortie : 31 mai 1973
- Festival : Festival de Cannes 1973

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– Année de production : 1971
Résumé : Balthazar, un intellectuel de gauche, rencontre Edwarda, militante politique. Il décide de s’engager dans le combat révolutionnaire.
Critique : Présenté en 1973 à Perspectives du cinéma français (pendant plusieurs années la section de la Quinzaine des Réalisateurs pour les films nationaux), Valparaiso, Valparaiso est le premier long métrage de Pascal Aubier. Ancien assistant de Jean Rouch, Rohmer et Godard, il était jusqu’alors surtout connu pour ses courts à la fois poétiques et engagés, et ses apparitions en tant qu’acteur dans des films d’auteur. Valparaiso, Valparaiso est au carrefour du style de la Nouvelle Vague (alors en net reflux) et d’un certain cinéma politique qui inspira de nombreux réalisateurs au début des années 70 ; on notera plus précisément des similitudes avec le Marin Karmitz de Coup pour coup davantage que le cinéma efficace de Boisset ou Costa-Gavras.
Le scénario, s’il peut paraître décousu et minimaliste, bénéficie d’un humour pince-sans-rire et d’un second degré réjouissant qui se manifeste dès la première séquence, où une maîtresse de maison bourgeoise (Marthe Mercadier) fait l’éloge du Che, tout en servant des toasts à ses invités. Parmi eux se trouve Balthazar Lamarck-Caulaincourt (Alain Cuny), un romancier fantasque, qui joue les révolutionnaires de salon avec la promotion de son ouvrage L’art, l’amour et la révolution. Ce séducteur aux tempes grises, amant d’une jeunette volubile (Albane Navizet), voit son implication politique passer de l’intellectualité à l’action en acceptant une mission révolutionnaire. Il doit alors endosser la personnalité de Ladislas, époux d’une ténébreuse Edwarda (Bernadette Lafont), et partir en mission révolutionnaire à Valparaiso.
À vrai dire, l’essentiel ne réside pas dans l’intrigue mais les intentions mises en avant par le réalisateur, qui semble cautionner les propos de son protagoniste tout en suggérant que le temps des désillusions est venu, comme l’attestera la suite des événements.
Le faible budget du film, loin d’en faire un produit culturel cheap, est au service d’une mise en scène épurée et sans fioritures (à l’exception de la jolie musique d’Ivry Gitlis) jouant sur les contrastes des lieux, des passages tournés en studio (l’interrogatoire par un malfrat, délicieusement campé par Rufus) aux séquences en extérieur, filmées au Havre. Et des digressions saugrenues émaillent avec surprise la narration, notamment lorsque Balthazar se fait séduire par une paysanne, interprétée à contre-emploi par Alexandra Stewart. Un moment de surréalisme érotique, qu’aucun réalisateur mâle n’oserait filmer un demi-siècle plus tard…
Objet étrange et insolite, Valparaiso, Valparaiso mériterait d’être redécouvert, au même titre que Le chant du départ (1975) et Le fils de Gascogne (1995), autres longs métrages du cinéaste.