kabuki camp
Le 5 mai 2024
Joyeusement expérimental et transgressif, le film d’Oshima est un formidable témoignage sur l’effervescence artistique et politique d’une époque.
- Réalisateur : Nagisa Oshima
- Acteurs : Fumio Watanabe, Kei Satō, Jūrō Kara, Tadanori Yokoo, Rie Yokoyama
- Genre : Comédie, Drame, Expérimental, LGBTQIA+, Politique, Noir et blanc
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h34mn
- Titre original : 新宿泥棒日記 - Shinjuku dorobô nikki
- Plus d'informations : http://www.mcjp.fr/francais/cinema/...
- Festival : Art Theatre Guild of Japan (ATG) ou La fabrique d’auteurs
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– Année de production : 1969
Résumé : Manifestations contre la guerre du Vietnam et happenings théâtraux animent les rues du quartier Shinjuku à Tokyo. Birdie, étudiant, vole des livres dans une grande librairie. Umeko, qui se fait passer pour une employée de la librairie, le prend sur le fait et l’emmène dans le bureau du directeur. Lorsque la scène se répète le jour suivant, celui-ci demande à la jeune femme de ne plus l’importuner pour le moindre vol à l’étalage mais le drôle de couple formé par Birdie et Umeko l’intrigue...
Critique : À la fin des années 1960, le quartier de Shinjuku à Tokyo était l’épicentre de la contre-culture japonaise et Shinjuku dorobô nikki , le film que Nagisa Oshima y tourna durant l’été 1968, après La pendaison et Le retour des trois soûlards, est d’abord un inestimable témoignage de l’extraordinaire effervescence qui y régnait
Nombre de protagonistes de cette scène artistique et intellectuelle apparaissent d’ailleurs à l’image, le plus souvent dans leur propre rôle, et Birdie, le voleur de livres, est interprété par le célèbre graphiste Tadanori Yokoo, considéré parfois comme l’Andy Warhol japonais et également auteur des affiches psychédéliques du film.
Mais le fil narratif ténu et sans cesse brisé que constitue l’histoire du couple singulier formé par un Birdie quelque peu efféminé et une Umeko très déterminée (échanges et jeux de rôles incessants, le vol comme substitut de l’acte sexuel) n’est qu’un des multiples éléments d’un puzzle dont Oshima ne semble pas chercher à recoller les morceaux, même si l’on peut considérer que les thématiques reliées à ce qu’on appelle désormais les « questions de genre » sont au cœur de l’ensemble.
Le style et la tonalité du film ne cessent de changer sans crier gare : citations textuelles ; passage du noir et blanc à la couleur et vice-versa ; parodie décalée de film d’action ; chorégraphie presque abstraite (la poursuite circulaire et sans fin sur la balustrade) ; interviews (authentiques ou reconstituées) sur le mode du cinéma-vérité ; captations documentaires de performances, dans la rue ou sous leur fameux chapiteau, de la fameuse troupe Jokyo Gekijo (Théâtre de situation, fondée en 1963) dont le leader Jūrō Kara (Cache-cache pastoral) intervient régulièrement pour chanter face à la caméra une espèce de tube de variété délirant : il y est question d’une ville nommée Ali Baba (« La ville du mystère... Ce soir, la chouette ne hululera pas... Qui est-ce ? ...Bero Bero. Le petit garçon... »). On peut également voir une représentation en style kabuki-camp à laquelle participe Birdie, encore plus féminisé par son maquillage de théâtre.
Le titre rend bien sûr hommage à Jean Genet qu’on entend lire lui-même un extrait de son Journal d’un voleur dans une séquence où Umeko est enfermée de nuit dans la librairie et ouvre au hasard des livres dont les textes (tous en VO) se superposent sur la bande-son jusqu’à la cacophonie.
Tout cela est un rien décousu et l’attention se relâche par moments, mais le sens de la surprise et l’esprit ludique dont fait preuve, une fois de plus, le très cérébral Oshima, font de Journal d’un voleur de Shinjuku un des films les plus ouverts de son auteur. Ils donnent à ce patchwork joyeusement expérimental et transgressif une saveur et une force intactes qui lui permettent d’aller bien au-delà de sa valeur de témoignage historique.
– Sortie au Japon : 15 février 1969
– Sorties internationales : 3 juin 1970 (Suède) ; 18 novembre 1972 (RFA, TV) ; juillet 1973 (USA)
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