Ballade des pendus
Le 22 juin 2024
La pendaison est un film contre la peine de mort ce qui ne peut suffire à le résumer. En choisissant de brouiller les cartes, Oshima évite l’écueil du film à thème pour livrer une oeuvre mystérieuse, absurde et envoûtante.
- Réalisateur : Nagisa Oshima
- Acteurs : Fumio Watanabe, Kei Satō, Akiko Koyama, Hōsei Komatsu
- Genre : Drame
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Carlotta Films
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Durée : 1h58mn
- Reprise: 18 mars 2015
- Titre original : Kōshikei
- Date de sortie : 24 septembre 1969
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Résumé : Un condamné à mort qui a survécu à sa pendaison doit être à nouveau exécuté.
Critique : La jeune génération des années 1960 ne respectait plus une nation qui avait sombré moralement durant la Seconde Guerre mondiale. Dès cette époque, Oshima a plus que tout autre cinéaste mis à mal les valeurs traditionnelles du Japon. La famille, l’État, les mœurs : tout se voyait remis en question. La pendaison fait donc partie d’un parcours cohérent. C’est un film contre la peine de mort. Dis comme cela on pourrait être effrayé. La pendaison présente certes des aspects thématiques. Le film déploie les arguments classiques contre la peine de mort. Ainsi le spectateur est invité à se demander s’il pourrait personnellement exécuter la sentence. Le film creuse aussi la notion de déterminisme social : le meurtrier est aussi une victime. R est coréen, il fait partie d’une classe de sous-hommes méprisés par les Japonais. Par ce biais, le film renvoie à la violence étatique d’un pays qui dans ses velléités impérialistes ne s’est pas avéré plus moral que les meurtriers qu’il condamne. Massacrer serait légal en temps de guerre et tuer serait illégal en temps de paix. Il y a là une incohérence où s’engouffre le film lorsque les personnages évoquent leurs souvenirs de guerre.
- © Carlotta Films
Cependant, plus que par le fond, le film captive par la façon dont il le met en scène. On nage en plein surréalisme. Jugez plutôt. R est pendu mais l’exécution rate. Le condamné respire encore. Il faut donc le ranimer pour pouvoir l’exécuter à nouveau. Oui mais à son réveil R a tout oublié. S’ensuivent des discussions absurdes entre les différents représentants de l’autorité (le procureur, les gardiens, le prêtre, le médecin) pour savoir ce qu’il convient de faire dans ce cas. Peut-on exécuter quelqu’un qui ne se souvient pas de son forfait ? Tout ce petit monde va donc faire en sorte de faire recouvrer la mémoire à R. On lui mime son parcours, de sa petite vie minable au viol puis au meurtre de jeunes filles. On nage alors en plein délire. Oshima s’amuse. Quand les gardiens reconstituent le viol, on se bat pour savoir qui va jouer l’agresseur et qui va jouer la victime. Chaque personnage joue son rôle à fond. Ils ont l’air azimutés. Cette veine absurde continue de plus belle lorsque tous les protagonistes sortent de la prison pour revenir sur les lieux du drame : la maison, l’école, le bord du fleuve.
- © Carlotta Films
Peu à peu, le film prend une teinte onirique. Des hallucinations viennent perturber le dispositif. On voit notamment une sœur coréenne imaginaire qui se fait l’avocate du condamné. Petit à petit, R semble évoluer, comme si quelque chose venait à éclosion. Les passages les plus troublants du film sont sans doute les monologues de R dans les bras de sa « sœur » coréenne (il y a toujours le goût transgressif de l’inceste chez Oshima même si chez lui le terme semble désigner tout autre chose qu’un lien du sang vu que dans son cinéma les filiations traditionnelles disparaissent). R vivait dans un monde irréel qu’il s’était forgé. Il ne faisait plus la part des choses entre imaginaire et réalité. Et voilà qu’il semble prendre conscience de ce que signifient l’autre et la mort. Le film a la bonne idée de ne pas en dévoiler trop. Il joue l’incertitude. On pourrait y voir le chemin vers le retour à l’innocence qui va se confronter à la dureté de la loi. L’État juge les actes, pas la conscience. Finalement, l’idée forte du film tient sur la façon dont il met sa mise en scène au service d’une démolition de toutes les certitudes. De cette manière, le réquisitoire nous touche bien plus que s’il avait simplement énuméré des arguments contre la peine de mort.
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