Peler un oignon
Le 18 juin 2011
Crue et poétique, cette évocation des amours adolescentes et des traumatismes de l’enfance par le tandem Shûji Terayama - Susumu Hani, émerveille et bouleverse par la totale liberté de son langage poétique.
- Réalisateur : Susumu Hani
- Acteurs : Akio Takahashi, Kuniko Ishii, Minoru Yuasa, Kōji Mitsui (Hideo Mitsui), Haruo Asanu
- Genre : Drame, Romance, Érotique, Expérimental
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h48mn ( version américaine tronquée: 1h27mn)
- Titre original : 初恋・地獄篇 - hatsukoi jigokuhen
- Date de sortie : 2 septembre 1970
- Plus d'informations : http://www.mcjp.fr/francais/cinema/...
- Festival : Les 15 ans de la MCJP
– Sortie au Japon : 25 mai 1968
Crue et poétique, cette évocation des amours adolescentes et des traumatismes de l’enfance par le tandem Shûji Terayama - Susumu Hani, émerveille et bouleverse par la totale liberté de son langage poétique.
L’argument : Un jeune couple décide de faire l’amour pour la première fois et prend une chambre dans un hôtel. Mais le jeune homme, Shun, timide et gauche, se réfugie dans la salle de bain pour boire un verre d’eau au moment où la jeune femme, Nanami, se déshabille. Elle, moins timide, gagne sa vie en posant pour des photos érotiques.
Finalement ils décident de reporter l’expérience à plus tard, quand ils se connaîtront mieux et commencent à se raconter leurs expériences passées.
Notre avis : Sélectionné à Berlin en 1968, distribué en France en 1970 sous le titre Premier amour : version infernale (et aux Etats-Unis dans une version raccourcie de 20 minutes) Hatsukoi : jigoku-hen est une des plus légendaires productions ATG et sans doute, avec le sublime Elle et lui, le film le plus célèbre de Susumu Hani.
Ce dernier est un des cinéastes majeurs (le plus grand peut-être) de la Nouvelle Vague Japonaise. Mais contrairement à celles de nombre de ses talentueux confrères (Oshima, Yoshida ou Shinoda pour n’en citer que quelques uns) ses oeuvres sont rarement projetées et n’ont pas bénéficié à ce jour d’éditions en DVD.
Se méfiant du m’as-tu vu ? et refusant d’enfermer son film dans un système formel préétabli, Hani n’éblouit pas le spectateur par un brio ostentatoire et son film risque de décevoir les spectateurs pressés abusés par les (superbes) affiches psychédéliques qui ont accompagné sa sortie en son temps.
Retours en arrière, changements de ton et de style ne cessent de briser la linéarité du parcours initiatique de Shun (Akio Takahashi), le frêle protagoniste adolescent dont le beau visage grave ne se départit presque jamais d’une tristesse contre laquelle une grotesque cure de rire s’avèrera inopérante mais qui parviendra néanmoins à retrouver le sourire et à surmonter les blocages résultants des traumatismes de l’enfance (abandon par la mère, viol par le père adoptif) lors d’un faux happy end contrarié in extremis par un ultime coup du sort.
Car si des éclairs l’optimisme et de joie de vivre strient ça et là Hatsukoi : jigoku-hen, ce récit d’un Premier amour n’a rien d’une romance à l’eau de rose, malgré la fraîcheur des jeunes interprètes et la grâce poétique qui empreint le film d’un bout à l’autre, et le version infernale qui complète le titre français de 1970 est amplement justifié.
Cette noirceur foncière cohabitant avec une espèce d’émerveillement candide (la scène des patates chaudes ou la devinette de la petite fille : que reste-t-il lorsqu’on pèle complètement un oignon ?) signalent l’appartenance de l’oeuvre à l’univers poétique de Shûji Terayama (Cache-cache pastoral), l’auteur du scénario.
On retrouve ici son sens de la transgression dénuée de rage, comme innocente, son humour poignant, sa prédilection pour les jeux et rituels (le cache-cache des enfants masqués dans le cimetière), l’évocation sans détour, mais sans complaisance, de pratiques sexuelles déviantes, notamment lors d’une scène fameuse de séance de photos bondages et sadomasochistes, mais aussi son goût des expérimentations visuelles et sonores : ralentis, arrêts sur image, irruption soudaine de couleurs pimpantes (dans un ensemble en noir et blanc) lorsqu’un ami de la jeune fille, Algebra, projette un film amateur autobiographique en super 8 intitulé Premier amour , post-synchronisation volontairement décalée, citations musicales qui se mêlent aux très beaux motifs composés par Toru Takemitsu et Akio Yashiro.
Hatsukoi : jigoku-hen est pourtant d’abord un film de Susumu Hani qui observe tout cela les yeux écarquillés et dont le regard documentaire donne à l’ensemble une qualité proprement hypnotique. Filmant les enfants comme personne, donnant l’impression d’inventer à tout moment un nouveau langage, le cinéaste ne cherche pas à plaquer une forme sur son sujet mais donne la sensation rare de chercher et de trouver à chaque plan l’énonciation la plus juste et la moins réductible au discours. C’est d’abord pour cela que la vision de ce chef-d’oeuvre constitue pour le spectateur une expérience profondément bouleversante (et gratifiante).
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roger w 18 juin 2011
L’enfer du premier amour (Premier amour, version infernale) - la critique
Extrêmement rare et précieux, ce film-manifeste de la nouvelle vague nippone est un pur chef d’oeuvre que tous les cinéphiles exigeants se doivent d’avoir vu. Une des meilleurs films japonais de tous les temps. Audacieux, sulfureux et d’une totale et jouissive liberté.