Sans garde-fou
Le 12 juin 2011
Une actrice exceptionnelle et un grand film, à la fois léger et déstabilisant, à redécouvrir.
- Réalisateur : Susumu Hani
- Acteurs : Eiji Okada, Sachiko Hidari, Kikuji Yamashita, Akio Hasegawa, Takanobu Hozumi
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h49mn
- Titre original : 彼女と彼 - Kanojo to kare
- Plus d'informations : http://www.mcjp.fr/francais/cinema/...
- Festival : Art Theatre Guild of Japan (ATG) ou La fabrique d’auteurs
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– Sortie au Japon : 18 octobre 1963
– Prix d’interprétation au Festival de Berlin pour Sachiko Hidari
Une actrice exceptionnelle et un grand film, à la fois léger et déstabilisant, à redécouvrir.
L’argument : Dans la banlieue de Tôkyô, Naoko Ishikawa habite avec son mari Eiichi dans un grand ensemble moderne. Une nuit, elle est réveillée par un incendie qui ravage les baraquements près de chez elle. Intriguée par ce monde qu’elle ne connaît pas, elle se lie d’amitié avec Ikona, un chiffonnier, ancien camarade d’université de son mari qui vit là avec son chien et une enfant aveugle.
Notre avis : Auteur de films refusant la distinction entre fiction et documentaire et difficiles à classer dans une catégorie précise, Susumu Hani (né en 1928) est un cinéaste un peu oublié aujourd’hui, d’autant plus qu’il a quasiment cessé de tourner après Yôsei no uta en 1972, à l’exception d’un bref retour au début des années 80.
Pourtant Furyo shonen - mauvais garçon (1961, tourné avec des acteurs non professionnels dans une maison de redressement), Andesu no hanayome - la mariée des Andes (1966, au Pérou), Bwana Toshi no uta - Bwana Toshi (1967, au Kenya), et surtout Hatsukoi : Jigoku-hen - L’enfer du premier amour (1968, écrit par Shûji Terayama) rencontrèrent en leur temps un écho international considérable.
Quant à ce Kanojo to kare - elle et lui (1963), il ne passa pas non plus inaperçu et fut distribué, entre autres, aux Etats Unis (en 1967) après avoir valu à son interprète, Sachiko Hidari, l’ours d’argent du Festival de Berlin (également pour La femme insecte de Imamura).
L’actrice avait déjà une importante carrière derrière elle et avait tourné notamment avec Gosho, Ichikawa ou Masumura. Mais son interprétation à fleur de peau du rôle de Naoko, jeune femme inquiète et réceptive au monde qui l’entoure au point de renoncer à tout garde-fou, est proprement exceptionnelle et rend caduques toutes notions de métier et de technique de jeu.
Comment ne pas partager l’admiration un peu effrayée de son mari (Eiji Okada, à la fois en retrait et très présent) face à ce personnage qui semble ignorer les freins qu’imposent les règles sociales : elle provoque l’étonnement éberlué de ses voisines lorsqu’après l’avoir prié de s’éloigner avec sa camionnette trop bruyante elle demande au jeune vendeur ambulant de lui donner deux ballons pour l’enfant malade et elle n’hésite pas longtemps à faire entrer chez elle le SDF avec son chien.
Tout, du plus dramatique au plus apparemment insignifiant, est pour elle sujet d’étonnement, de désir de comprendre : le linge déchiré rapporté par l’employé du pressing, la maladie de la jeune aveugle laissée seule pendant deux jours par son père inconséquent, les jeux violents des enfants sur le terrain vague, la vie des habitants du bidonville et surtout la rencontre avec Ikona, gentil asocial aux caprices d’enfant et au sourire permanent (Kikuji Yamashita) qui mène, à l’évidence heureux, une existence si éloignée de la sienne.
La mise en scène de Susumu Hani et la musique électronique doucement déstabilisante composée pour le film par le grand Toru Takemitsu parviennent à communiquer au spectateur le sentiment le doux inconfort, de malaise diffus mais étrangement agréable provoqué par cet effacement des repères et des protections d’usage.
Recourant à un langage moderne (quelques zooms), filmant souvent de très près avec un étonnant sens tactile, mais composant aussi d’admirables plans d’ensemble antonioniens (l’architecture années 50 de la cité de banlieue et ses vastes espaces vides), le cinéaste fait preuve d’un souci formel évident mais qui n’est n’est jamais une fin en soi.
Un humour discret confère à Kanojo to kare une légèreté qui ne fait qu’accentuer le trouble du spectateur en mal de catégorisation et même les moments les plus durs (la mort du chien, terrible !) ne sont pas dramatisés artificiellement, le film nous amenant en douceur vers une absence de conclusion qui lui permet de prolonger son impact bien au delà de la fin de la projection.
- 彼女と彼 - Kanojo to kare - Susumu Hani 1963
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