Œdipe roi à Shinjuku
Le 22 février 2019
Troublante et joyeuse parade funéraire, ce manifeste de la contre-culture japonaise à la fin des années 60 est en tout point digne de sa réputation de film culte.
- Réalisateur : Toshio Matsumoto
- Acteurs : Pîtâ (Peter), Osamu Ogasawara, Yoshio Tsuchiya , Toyosaburo Uchiyama, Emiko Azuma
- Genre : Expérimental, LGBTQIA+, Noir et blanc
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h48
- Titre original : {薔薇の葬列} (Bara no Sōretsu)
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 20 février 2019
- Festival : Art Theatre Guild of Japan (ATG) ou La fabrique d’auteurs
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– Pour la 1re fois au cinéma en version restaurée 4K le 20 février 2019
– Sortie au Japon : 13 septembre 1969
L’argument : Eddie, jeune travesti du quartier de Shinjuku à Tokyo, a une relation avec Gondo, un homme beaucoup plus âgé que lui et entre ainsi en rivalité avec Leda, la patronne d’un bar gay.
Notre avis : Le premier long-métrage de Toshio Matsumoto, jusque là auteur de courts métrages expérimentaux, est un des fleurons les plus réputés de la légendaire ATG (Art Theater Guild of Japan) à laquelle la Maison de la Culture du Japon à Paris rendra un hommage très attendu du 7 juin au 23 juillet 2011. Ce bouillonnant laboratoire du cinéma d’auteur japonais produisit, à la fin des années 60 et au début des années 70, nombres de brûlots mémorables signés, entre autres, par Ôshima, Yoshida, Shinoda, Imamura,Terayama (Jetons les livres, sortons dans la rue), Hani (Premier amour, version infernale ), sans oublier L’extase des anges de Wakamatsu et Adachi.
- © 1969 Post War Japan Moving Image Archive. © 2017 Arbelos - Tous droits réservés.
Placé sous le signe de Baudelaire, dont deux vers sont cités en exergue (Je suis la plaie et le couteau, / Je suis le soufflet et la joue), mais aussi bien sûr du Genet de Notre dame des Fleurs, Les Funérailles des roses, répondant à l’Edipo Re de Pasolini, transpose le mythe d’Œdipe dans le Japon de la fin des années 60, faisant du héros (Eddie alias Oedipe) un jeune travesti qui tue sa mère et couche avec son père (Yoshio Tsuchiya, un des Sept samouraïs) pour finalement se crever les yeux après que ce dernier se soit suicidé, atterré de se reconnaître sur une photo de famille trouvée dans les affaires de son amant et où son visage était rendu méconnaissable par une brûlure de cigarettes.
Matsumoto, héraut de l’interdisciplinarité des arts, refuse une narration linéaire hors de propos et fragmente joyeusement son récit, bouscule la chronologie, fait surgir images mentales et retours en arrière, procède à des collages et à des citations, révèle l’envers du décor pour interviewer ses acteurs, recourt à la parodie (du slapstick au manga), insère des plans documentaires : témoignages de travestis ou captation des étonnants happenings ritualisés organisés dans les rues de Tokyo par la fameuse troupe Zero Jigen (Dimension zéro).
- © 1969 Post War Japan Moving Image Archive. © 2017 Arbelos - Tous droits réservés.
Il n’hésite pas, par exemple, à interrompre la tragique séquence finale par un plan de coupe incongru et humoristique, montrant un célèbre critique de cinéma adressant un clin d’œil de connivence au spectateur à la manière d’un présentateur de télé.
Manifeste effervescent d’une époque de chamboulements remettant en question toutes les valeurs traditionnelles, le film interroge d’abord l’identité sexuelle. La scène d’ouverture, aux blancs aveuglants, montre l’étreinte de deux corps filmés en plans très rapprochés et ne permet pas tout de suite de se rendre compte que la très belle jeune femme qui apparaît à l’écran est en fait un jeune homme paré de tous les signes de la féminité (peau lisse, lèvres et cils maquillés).
Parures (les essais de perruques), déguisements, miroirs (omniprésents), rituels (le suicide minutieusement mis en scène de Leda, couchée sur son lit de roses) et objets fétiches (les poupées aux yeux percés) : le film, mixe détonnant d’esthétisme jusqu’au-boutiste et de document brut, organise une cérémonie déconcertante et jubilatoire qui continue de troubler et d’exercer son pouvoir de fascination. Son statut de film culte n’est nullement usurpé.
Test DVD/Bluray
Bénéficiant, du fait de la restauration du film en 4K, d’un nouveau master, l’édition DVD/Blu-Ray propose, en outre, des suppléments qui combleront à la fois les collectionneurs (comme la bande-annonce originale du film) et les spectateurs en quête d’approfondissement (comme l’entretien avec des spécialistes sur le réalisateur et son acteur principal). Sortie le 16 octobre 2019
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