Dans le noir
Le 5 mai 2024
Habité par un humour désespéré et jubilatoire, le deuxième film de Toshio Matsumoto impressionne et captive d’abord par son aboutissement formel.
- Réalisateur : Toshio Matsumoto
- Acteurs : Katsuo Nakamura, Jūrō Kara, Yasuko Sanjō, Masao Imafuku, Kappei Matsumoto
- Genre : Drame, Épouvante-horreur, Noir et blanc
- Nationalité : Japonais
- Durée : 2h15mn
- Titre original : 修羅 - Shura
- Festival : Art Theatre Guild of Japan (ATG) ou La fabrique d’auteurs
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– Année de production : 1971
Résumé : Le rōnin Kazuemon vit dans une maison de geishas sous le nom de Gengobei. Il doit rassembler la somme de cent ryos pour retrouver son honneur et pouvoir participer à la vengeance du clan {Eira}. Son serviteur fidèle lui apporte l’argent mais il l’utilise pour libérer de ses dettes la courtisane Koman, dont il est amoureux. Se rendant compte qu’il a été victime d’une supercherie organisée par le prétendu frère de la jeune femme, Sanguro (qui est en fait son mari), il entre dans une folie furieuse et n’aura de cesse de se venger. Ce n’est qu’après avoir assouvi sa vengeance au prix d’un véritable carnage qu’il se rendra compte de l’effroyable malentendu qui l’a finalement mené à sa perte.
Critique : Associant une totale noirceur à un humour diabolique, le deuxième film de Toshio Matsumoto impressionne et captive d’abord par son aboutissement formel. En adaptant la pièce de Tsuruya Namboku Kamikakete Sango Taisetsu, un classique du théâtre kabuki basé sur un épisode des 47 rōnins, Toshio Matsumoto prenait avec son deuxième long métrage l’exact contre-pied de son film précédent Bara no Sōretsu - Les funérailles des roses.
Celui-là était un film blanc, diurne et ouvert sur l’extérieur (le Japon de 1969) qui incluait de nombreuses prises à caractère ouvertement documentaire. Pandémonium est un film de studio, en costumes, dont l’action se déroule entièrement de nuit et dont le côté noir est accentué par le refus de tout éclairage additionnel. Une gageure que la mise en scène assume avec brio.
- © 1971 MATSUMOTO PRODUCTION / ART THEATRE GUILD OF JAPAN CO., LTD. All Rights Reserved.
Car dans Shura, dont le titre renvoie à la sphère, appelée aussi asura, de la jalousie et de la haine, l’une des six voies de la purification dans l’Enfer bouddhiste, Matsumoto adopte une esthétique expressionniste et prend le parti d’une théâtralité exacerbée qui crée un fort effet de distanciation : travail sur la lumière évoqué plus haut, sur-jeu halluciné des comédiens, recours à des commentaires ironiques sous forme de cartons-titres (La vie est un bain de sang), ruptures incessantes qui cassent la fluidité narrative.
Le montage accumule les faux départs et plusieurs scènes se répètent presque à l’identique, d’abord rêvées puis en vrai, la réalité finissant immanquablement par rattraper et dépasser le cauchemar prémonitoire qu’elle semblait pourtant déjouer dans un premier temps.
On aura compris que la noirceur la plus désespérée s’accompagne ici d’un humour des plus jubilatoires.
L’œuvre, d’un accomplissement formel qui laisse pantois, captive de bout en bout et tient le spectateur en haleine au moyen d’un suspense diabolique. On devine certes un peu à l’avance le retournement final mais cela ne dégonfle pas la tension pour autant, l’augmentant même d’un effet d’attente mi apeurée, mi amusée.
Certes, la perfection de Pandémonium est aussi sa limite et le film impressionne plus qu’il n’émeut mais c’est indéniablement l’œuvre forte et troublante d’un cinéaste qui n’a pas froid aux yeux.
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