Le 29 décembre 2017
Derrière une comédie réussie, ce deuxième film de Sturges dissimule une satire particulièrement mordante de la société américaine.
- Réalisateur : Preston Sturges
- Acteurs : Dick Powell, William Demarest, Ellen Drew, Raymond Walburn, Ernest Truex
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Wild Side Video
- Durée : 1h07mn
- Titre original : Christmas in July
- Date de sortie : 12 septembre 1945
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– Année de production : 1940
– Ce film appartient au beau coffret Wild Side : sortie le 13 décembre 2017
Résumé : Jimmy MacDonald est un grand rêveur et imagine avoir gagné le gros lot, soit 25 000 dollars, à un concours de slogans organisé par une marque de café. Il se voit déjà épouser celle qu’il aime et la couvrir de présents. Trois de ses collègues lui font croire qu’il est effectivement le gagnant en lui envoyant un faux télégramme...
Notre avis : Le gros lot est une comédie drôle, très drôle : adaptée d’une pièce de Sturges lui-même, elle repose sur des humours très divers, du slapstick au jeu de mots en passant par un très efficace comique de répétition, humour renforcé par son rythme qui s’affole peu à peu et sa brièveté qui en fait une œuvre ramassée et presque concentrée. À partir d’une idée modeste, celle d’un petit employé victime d’un canular de ses collègues, le réalisateur déroule avec une logique implacable toutes les conséquences possibles d’un gain inespéré.
Mais ce qui frappe surtout ici, c’est la satire d’une société dominée par l’argent ; la publicité y est reine, avec ses slogans absurdes. Cela conduit le cinéaste à des propos très audacieux, comme cette condamnation inouïe : « un système où 1 % des gens réussissent est un système injuste ». Mais il ne s’en tient pas à des sentences subversives : dès le début, avec la discussion sur un mystérieux objet qui métamorphose une pièce en quatre, l’accent est porté sur le règne du matérialisme absurde, thème qui sera repris plus tard, notamment dans la démonstration d’un sofa remuant. Car le bonheur réside dans l’accumulation ; pour autant, Jimmy, le protagoniste, n’a rien d’un dépensier égoïste : il pense d’abord aux autres et offre à une petite paralysée une poupée. Présenté comme un doux rêveur, il incarne ces héros positifs et altruistes que Hollywood adorait mettre en avant et Dick Powell rejoint les James Stewart au panthéon des bienfaiteurs anonymes.
Mais malgré un retournement de situation final, Le gros lot laisse un goût amer : les pauvres ont beau se révolter dans une séquence jouissive digne du meilleur burlesque, ils n’en sont pas moins des victimes ; victimes d’abord d’une société qui les laisse rêver pour mieux les exploiter avec la complicité de la radio, média alors dominant (mais on pourrait facilement actualiser la fable…). Victimes aussi d’un travail aliénant : le travelling arrière qui montre des employés en gris, quasiment interchangeables, prouve assez le triomphe d’une oppression infantilisante : ils sont comme des écoliers face à leurs pupitres.
Cependant, dès que Jimmy a prétendument gagné, il se voit courtisé par le patron qui lui trouve du génie : le succès va au succès comme l’argent à l’argent. Mais il suffit que la supercherie soit révélée pour que ses idées fabuleuses deviennent des « sottises ». Forcément, le rêve américain en prend un coup : sa fiancée a beau se lancer dans une tirade émouvante jusqu’à convaincre le directeur, Jimmy reste l’un des nombreux perdants d’un monde impitoyable pour les faibles. À travers des séquences émouvantes, Sturges montre beaucoup de tendresse pour ses personnages les plus doux ; en revanche il fait preuve d’une verve acerbe envers les plus puissants, les dominants qui se courbent devant l’argent et méprisent le peuple. En ce sens, sa fable réjouissante n’a pas vieilli et conserve le mordant d’une fable satirique des plus efficaces.
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