Le 31 décembre 2017
Pour son septième film, Sturges fait preuve de son talent habituel au service d’un sujet particulièrement culotté, la satire du patriotisme et d’une certaine Amérique.
- Réalisateur : Preston Sturges
- Acteurs : Ella Raines, Raymond Walburn, Eddie Bracken
- Genre : Comédie, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Wild Side Video
- Durée : 1h37mn
- Titre original : Hail The Conquering Hero
- Date de sortie : 25 mai 1949
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– Année de production : 1944
– Ce film appartient au beau coffret Wild Side : sortie le 13 décembre 2017
Résumé : Un jeune marin réformé se lie d’amitié avec de joyeux farceurs qui le font passer pour un héros de guerre dans sa ville natale.
Notre avis : D’une certaine manière, Héros d’occasion est le début de la fin pour Sturges : mauvaises relations avec son studio, la Paramount, ambiance exécrable sur le plateau, et surtout, pour nous qui connaissons la suite, le film représente l’avant-dernière fulgurance d’une carrière courte et brillante. Il n’y aura plus que Infidèlement vôtre pour sauver l’honneur, le reste étant négligeable. Raison de plus pour savourer cette œuvre étrange, audacieuse par son sujet, déroutante par son traitement, mais en tout cas savoureuse et passionnante.
Audacieux, il fallait l’être, pour, en pleine guerre, imaginer un sujet moquant l’armée et le patriotisme… Eddie Bracken y incarne un planqué malgré lui, au nom trompeur de Truesmith, revenant chez lui en héros usurpateur. Mais les autres soldats ne sont pas très glorieux non plus, bavards, affabulateurs, prêts à échanger de faux souvenirs contre de l’alcool. Mais Sturges se moque aussi d’une Amérique prompte à édifier des statues et à suivre le mouvement des apparences, une Amérique égoïste préoccupée du « moyen d’échapper aux impôts ». Et le barman résume d’une phrase lapidaire les croyances simplistes du pays : « souris et le monde te sourira ». Pour accentuer la charge, Truesmith a été réformé pour un motif sans noblesse : un rhume des foins chronique, maladie qui touche aussi son fade rival.
Le mensonge initial se double d’un second, celui de sa fiancée, Libby, et, comme dans Le gros lot, Sturges pousse, à partir d’un postulat énorme, la logique jusqu’au bout. Truesmith a beau tenter de dire la vérité, ou la craindre, tout ce qu’il dit contribue à sa gloire et encore malgré lui, il est acclamé maire de la ville. Une fois de plus, le succès va au succès et qu’importe la réalité sur laquelle il est bâti.
Pourtant la satire se double ici de moments touchants : Sturges lorgne plus ou moins discrètement du côté du mélodrame ; pour le meilleur, ce sont des touches délicates, comme le père (vrai héros) encadré dans le salon, ou la réplique discrète de l’épicier qui a perdu un fils à la guerre. Mais ce qui fait du film un vrai plaisir, c’est le comportement des gens face au « héros » : du maire opportuniste à la querelle des fanfares, le cinéaste multiplie les séquences énormes, cartoonesques, délirantes, qui montrent l’hystérie collective mais aussi la volonté constante de se mettre en avant. En dehors de la mère et de la fiancée, les personnages sont des caricatures mordantes ; caricatural donc aussi leur jeu, et en particulier celui d’Eddie Bracken (à vrai dire assez fatigant), comme si tous étaient contaminés par une folie de célébration.
En dehors d’épisodes énervés, Sturges donne aux tourtereaux quelques scènes gentilles, mais c’est dans d’autres séquences qu’il fait preuve de délicatesse : ainsi de ce travelling avant sur Truesmith quand il récite les batailles des Marines, travelling qui s’inverse au moment où il évoque son propre échec. Comme dans ses autres films, il soigne également les dialogues, épatants et d’autant plus forts qu’ils sont dits à grande vitesse.
Mais à vrai dire, malgré la charge au bazooka, malgré des séquences très drôles, Héros d’occasion a quelque chose de décevant : peut-être le rythme est-il trop inégal, puisque la fable corrosive s’enlise parfois dans des conventions sentimentales ; peut-être les grimaces de Bracken alourdissent-elles le trait déjà épais (et les gags qui lui sont réservés ne sont pas toujours de la meilleur eau, témoin ses chutes nocturnes à répétition.). Peut-être. Mais le foisonnement des détails, la vivacité des dialogues, la vision acide d’une certaine Amérique et l’abattage des second rôles emportent in fine le morceau et l’on peut goûter sans réserves l’un des derniers délires de son auteur.
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