Madame et ses flirts - la critique du film

Notre avis : Madame et ses flirts est une comédie du remariage qui commence par des noces mouvementées et énigmatiques pour enchaîner sur des difficultés financières. Le couple vit mal, niant le fameux « ils vécurent heureux ». C’est évidemment là que les péripéties s’enchaînent, par la grâce d’un rythme trépidant et d’une galerie de loufoques impressionnante : entre le « roi du hot-dog » et les membre du club « bière et caille » qui tirent dans un train ou forment une chorale pendant que leurs chiens aboient, Sturges présente une Amérique au bord de la folie où les millionnaires peuvent tout se permettre.

Le sujet est on ne peut plus scabreux, Gerry décidant de profiter des hommes pour échapper à la misère. Mais on est dans une « screwball comedy », et si la situation prête à l’immoralité, rien n’arrive de dommageable. Néanmoins, le scénariste-réalisateur interroge une société dans laquelle une femme vit de rencontres (chastes, certes) ; une épouse ratée, d’ailleurs, puisqu’elle ne sait ni coudre ni cuisiner. Seul son charme lui permet de prendre un train ou se vêtir, profitant de gentils naïfs qu’ils soient chasseurs ou riche célèbre. Sturges questionne aussi le mariage, dans une société dominée par l’argent. D’argent, il est incessamment question, soit qu’il manque, soit qu’il soit trop abondant.

Mais c’est aussi la conception de la virilité qui est posée, entre le mari dominé, obligé de faire appel à un agent pour retenir sa femme, et le riche innocent. La reconquête est donc autant un remariage qu’une « virilisation », ce pauvre Tom n’en finissant pas d’être manipulé, de tomber ou d’être arrêté dans son élan.

Évidemment, le film repose sur les caractéristiques du genre : l’élégance, en toute circonstance, et une interprétation idoine : Claudette Colbert est la distinction même, en pyjama ou en robe de luxe, dans un rôle qu’elle maîtrise à la perfection (et déjà éprouvé dans le beau La baronne de minuit), Joel McCrea impeccable dans son numéro de mari constamment dépassé. Mais ce sont les dialogues, souvent débités en rafale de mitraillette, qui font tout le sel de la comédie ; Sturges était un grand dialoguiste, mais il semble qu’il se soit surpassé ici : les répliques s’enchaînent à un rythme trépidant, et on n’en finirait pas de citer les phrases définitives comme « C’est une tragédie : ceux qui mériteraient une correction sont toujours costauds ». De plus, les personnages secondaires extravagants ne manquent pas, du président de club qui ne sait que pousser d’étranges cris au soupirant Toto qui parle une langue que personne ne comprend. Autant de raisons de se laisser entraîner par un tourbillon ébouriffant et cartoonesque (les héros ne se prénomment-ils pas Tom et Gerry ?) dans ce monde où les choses les plus graves ne sont pas sérieuses. Un monde joyeusement immoral dans lequel la morale est sauve, et habité par des doux dingues foncièrement inoffensifs.