Le 10 décembre 2017
Preston Sturges signe une comédie raffinée, très amusante, et qui bouscule avec élégance les conventions de l’époque.
- Réalisateur : Preston Sturges
- Acteurs : Henry Fonda, Barbara Stanwyck, Charles Coburn, Eugene Pallette, Martha O’Driscoll
- Genre : Comédie, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Wild Side Video
- Durée : 1h30mn
- Titre original : The lady Eve
- Date de sortie : 10 décembre 1946
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– Année de production : 1941
– Ce film appartient au beau coffret Wild Side : sortie le 13 décembre 2017
Résumé : Charles Pike, grand chasseur de papillons et fils d’un richissime roi de la bière américain, rencontre sur le bateau qui le ramène à New York la fatale beauté Jean Harrington en quête d’un mari. Mais si Charles connaît bien les papillons, il connaît mal les femmes, en particulier celle-ci qui le mène en bateau.
Notre avis : Troisième film de Preston Sturges, The lady Eve fait partie de ces « screwball comedies » somptueuses, comédie du remariage selon le classement de Stanley Clavell, jubilatoire et suprêmement élégante. De cette histoire prévisible (oui, le milliardaire et la tricheuse finiront ensemble), le cinéaste tire le meilleur en organisant des variations sur des scènes attendues : ainsi de la rencontre autour d’un talon cassé, délicieuse par son incongruité que souligne Jean, dans laquelle Pike est troublé de se retrouver à genoux devant elle, à parler de bière. Mais c’est dès le générique animé, avec un serpent maladroit, dès la référence biblique donc, que le charme opère, et jamais ne retombe.
Sans doute faut-il faire la part des acteurs : Henry Fonda, équivalent des Cary Grant ou James Stewart, excelle dans le rôle de benêt décalé ; quant à Barbara Stanwyck, elle incarne l’éternel féminin avec grâce. Il faudrait souligner aussi l’apport des seconds rôles, qui, comme Charles Coburn, ou le bougon Eugene Pallette (ah ! La scène où il réclame son petit déjeuner !), donnent du relief et du piquant à ce film qui n’en manque déjà pas. Sensible dans sa première partie, The Lady Eve verse dans le comique voire le burlesque dès le bateau quitté ; on passe d’une comédie romantique à une suite de chutes et d’invraisemblances jubilatoires. Mais la chute aussi bien physique que morale est un motif récurrent dans ce jeu de faux-semblants et de tromperies sans fin. Au fond, s’il y a une morale, c’est que la vérité importe moins que le sentiment, et que les apparences ne comptent pas.
Quant aux dialogues, ils ont la finesse que l’on aime dans ce genre de films, multipliant les répliques drôles et élégantes, à l’image de la devise du père-escroc : « Soyons malhonnêtes, pas communs ». Il n’y a de fait rien de commun dans ces personnages extravagants placés dans des situations extravagantes. À les voir s’agiter, se séduire, tomber, inventer, on s’abîme avec délices dans un tourbillon d’inventions croissant. Sturges maîtrise le rythme, essentiel dans la comédie, et sait s’arrêter tôt (les escrocs confondus) ou au contraire ne pas renoncer à une idée répétitive (le changement de costumes pendant la réception). De ce fragile équilibre naît un plaisir constant, qui est aussi celui de la destruction : destruction des séquences romantiques quand un cheval vient s’interposer, destruction de la morale conservatrice, destruction du repas conventionnel … Sturges a pris le meilleur du burlesque pour le marier à la comédie sophistiquée. On le sent fasciné par Barbara Stanwyck, qu’il cadre amoureusement et dans des lumières flatteuses, fasciné aussi par le parti qu’il peut tirer de la moindre situation ; car il n’y a rien d’anodin ici, la moindre idée donnant lieu à des développements plus ou moins incongrus.
Plusieurs décennies après sa sortie, The Lady Eve conserve un charme indicible, incarné par la manipulation permanente d’Eve, et que la réalisation inventive du cinéaste valorise : ainsi des prétendues révélations de le jeune femme pendant le voyage de noces, chacune d’entre elles faisant l’objet d’une variante coupée par l’avancée du train. Des idées comme celle-ci, ou comme le commentaire à travers le miroir du début, le film en regorge : il ne cesse de se réinventer en avançant, et bien que l’intrigue soit cousue de fil blanc, il sautille d’une péripétie à l’autre avec allégresse, jusqu’à la porte fermée et un dernier trait d’esprit, comme pour dire que rien n’est grave dans ce monde pétillant.
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