Le 4 décembre 2017
Une grande comédie, subtile et hilarante, sorte de chant du cygne pour Preston Sturges.
- Réalisateur : Preston Sturges
- Acteurs : Linda Darnell, Rex Harrison, Barbara Lawrence, Rudy Vallee
- Genre : Comédie, Romance, Musical, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Wild Side Video
- Durée : 1h45mn
- Box-office : 135 813 entrées France
- Titre original : Unfaithfully Yours
- Date de sortie : 31 août 1949
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– Ce film appartient au beau coffret Wild Side : sortie le 13 décembre 2017
Résumé : Un célèbre chef d’orchestre, Sir Alfred Carter, est persuadé que sa femme, la très jolie Daphné, le trompe avec son secrétaire, Tony. Au cours d’un concert, inspiré par Rossini, Wagner et Tchaïkovski, Sir Alfred imagine trois façons différentes de venger son honneur. Le concert s’achève devant une salle en délire. Insensible, Sir Alfred s’apprête à mettre en pratique ses fantasmes.
Notre avis : Le dernier grand film de Preston Sturges est d’abord une merveille de construction, à la fois limpide et complexe : les trois parties ont chacune leur tonalité mais le scénario tisse des échos de l’une à l’autre en un jeu subtil. Il y a d’abord la description du bonheur et l’intrusion du doute, de la jalousie : le chef d’orchestre, interprété par le sémillant Rex Harrison, évolue dans un monde luxueux, chouchouté par sa femme qui lui allume les cigarettes, lui met ses chaussons ou fait couler son bain. Elle est belle, plus jeune que lui mais n’a d’yeux que pour lui. Si le doute apparaît, c’est à cause d’un malentendu : le beau-frère stupide dont tout le monde se moque (son portrait est impitoyable et hilarant) a mal compris une parole d’Alfred et a fait surveiller sa femme par un détective. La gradation qui le conduit de l’indifférence au soupçon est remarquable par son rythme et ses variations. Mais Sturges en profite aussi pour disséminer des détails qui se retrouveront par la suite, comme la maladresse du maître ou le rasoir à affûter. Et surtout, pour notre plaisir, c’est dans cette première partie que les dialogues sont les plus savoureux, crépitant à un tempo insensé, sans pour autant être de purs ornements : par les mots, Sir Alfred, mais aussi Sturges, transfigure la réalité, en fait quelque chose d’élégant (la crainte ou le désir de vulgarité est un des thèmes souterrains du film). Si la vie est décevante, au moins les paroles lui donnent-elles une aura poétique. Néanmoins, elles peuvent également se révéler destructrices : quand le détective imagine des scénarios pour expliquer que Daphné se soit retrouvée dans la fameuse chambre 3406, il anticipe les trois histoires qu’Alfred se racontera en conduisant son orchestre. Autrement dit, pour ce brillant dialoguiste qu’était Sturges, le film est une occasion de réfléchir sur le pouvoir des mots, qui en constituent la colonne vertébrale, à égalité avec la musique.
Rongé par le doute, Alfred donne son grand concert : c’est le morceau de bravoure de ce métrage, qui va faire coïncider les trois extraits symphoniques à des rêveries vengeresses ; Rossini, l’énergie et le meurtre, Wagner, le lugubre et un chèque, Tchaïkovski, la gravité et la roulette russe. Chacun de ces fantasmes est introduit par un travelling avant qui se termine sur la pupille du chef et enclenche à l’aide d’un fondu au noir un nouveau scénario. Mais ce qui frappe le plus sans doute, c’est l’entremêlement subtil de la musique et du rêve, aussi bien dans la tonalité que dans le cadre temporel : c’est brillant, enlevé, élégant. À chacune de ces rêveries correspond un genre cinématographique, légèrement détourné, surjoué, mais à la précision implacable.
À quoi va s’opposer la dernière partie, qui voit Alfred échouer dans ses tentatives de mettre ses plans exécution : Sturges utilise alors les ressorts du burlesque, dans une destruction systématique et très drôle de la chambre. Impavide, Alfred poursuit malgré les catastrophes ce qu’il a imaginées. On recommande particulièrement le passage avec l’appareil à enregistrer des disques, censé « marcher tout seul », être à la portée des enfants, et qui rejette les galettes avec une belle régularité. Mais à vrai dire c’est l’ensemble des catastrophes qu’il faudrait citer, tant elles sont l’œuvre d’un horloger du rythme.
Bien sûr, l’histoire se termine bien, sans que le tempo faiblisse ; l’important est ailleurs, dans le mouvement d’ensemble, dans la rigueur de l’humour et ses variations infinies, comme dans l’accumulation de personnages secondaires hilarants (le tailleur, la sœur) ou dans de multiples détails discrets (la harpiste qui se fait les ongles !). On ajoutera que les interprètes sont parfaits, que le noir et blanc, sans atteindre des sommets, est moelleux et raffiné, bref, que cette « screwball comedy » possède un charme inaltérable ; c’est, dans un film où l’on parle beaucoup de nourriture, un plat de gourmet.
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