Le 29 juin 2011
- Réalisateur : Eva Ionesco
Oubliez le grand déballage d’effets spéciaux pompiers des Transformers et préférez plutôt le sulfureux film d’Eva Ionesco, une réflexion autobiographique sur les dérives artistiques d’une époque sans tabous. On peine à croire qu’elle ait bien pu exister...
Oubliez le grand déballage d’effets spéciaux pompiers des Transformers et préférez plutôt le sulfureux film d’Eva Ionesco, une réflexion autobiographique sur les dérives artistiques d’une époque sans tabous. On peine à croire qu’elle ait bien pu exister...
Dans une semaine cinéma assez pauvre en sorties, qui annonce les débuts de l’aridité estivale, la curiosité de la semaine est indéniablement la première réalisation d’Eva Ionesco. L’actrice, méconnue du grand public, use et abuse de la capacité exceptionnelle d’Isabelle Huppert à interpréter des personnages borderline, en marge de la raison et de la société, pour mettre en scène l’histoire de sa vie, celle de son enfance.
Ses dix premières années comme gamine ont donc été jetées en pâture, par une mère qu’elle aime décrire comme monstrueuse dans ses intentions, aux fauves, à des adultes à la sexualité trouble, aux instincts sexuels les plus pervers au nom d’un art underground branché, propre aux audaces iconoclastes des années 70. En humiliant son enfant dans des clichés érotiques douteux qu’elle revendait à tout va, l’excentrique matriarche, brisée de l’intérieur et vieillissante, prenait ainsi sa revanche par la destruction de sa fille sur sa propre enfance roumaine visiblement douloureuse.
La cinéaste, en procès matricide depuis des années pour faire interdire à son artiste de mère d’exploiter les fameux clichés pris avant sa puberté et encore vendus aujourd’hui sur internet, a beaucoup évoqué sa relation à la figure maternelle. Avec passion, véhémence et une détermination exceptionnelle qui font inévitablement de My little princess un objet de curiosité paradoxalement un peu malsain et subversif. On se pose des questions, notamment sur la direction de la jeune comédienne du film, Anamaria Vartolomei, impeccable dans le rôle de la lolita malgré elle (donc Eva Ionesco jeune), confrontée si tôt aux ténèbres de l’âge adulte qui pourraient imprégner également son devenir. C’est qu’il est quand même question de pédophilie et de prostitution artistique (cf. la scène où la mère est prête, pour quelques photos, à vendre le corps de sa fille à un dandy britannique)...
La mise en abîme autobiographique est vertigineuse, accentuée par l’impressionnant dispositif visuel (décors tarabiscotés de qualité), alors que froidement Huppert joue à la marâtre sans tabou, y compris celui impensable de corrompre sa propre enfant. La star est imperturbable, dans le refus de juger le personnage qu’elle incarne, ce qui rend encore une fois cette démarche artistique d’autant plus forte.
A part dans la production cinématographique contemporaine, à l’affiche entre une armada de robots destructeurs et d’une famille Tuche ringarde, My Little Princess n’est pas une oeuvre destinée à Monsieur et Madame Tout-le-monde, mais elle a le mérite d’interpeller et de susciter les interrogations, tout en nous resituant dans un contexte seventies fascinant. Comment cette époque a-t-elle pu générer pareilles déviances ? Certains osent encore croire au miracle d’une liberté d’expression poussée à son paroxysme. Ce n’est pas le cas d’Eva Ionesco dont le calvaire à l’écran n’est pas le plus aisé à supporter pour le spectateur.
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