Le 31 mars 2025
Avec son film choc, Yves Boisset crée une typologie de personnage raciste et autosatisfait, prêt à tout pour sauver sa peau.


- Réalisateur : Yves Boisset
- Acteurs : Isabelle Huppert, Jean-Pierre Marielle, Ginette Garcin, Henri Garcin, Victor Lanoux, Paul Bonifas, Jean Carmet, Jean Bouise, Pierre Tornade, Robert Castel, Michel Peyrelon, Pascale Roberts, Mohamed Zinet, Jean-Claude Braganti, Odile Poisson
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : NPF Planfilm
- Durée : 1h41min
- Date de sortie : 26 février 1975

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Résumé : Un cafetier parisien passe ses vacances dans un camping du Midi, à proximité d’un chantier ou travaillent des immigrés.
Critique : Le personnage a marqué la conscience collective, au point qu’il est devenu une antonomase. Tous les ans, Georges Lajoie emmène sa famille au même camping, où il retrouve évidemment les mêmes gens, postés aux mêmes emplacements : parmi eux, Colin-le-sonore et Schumacher-le-pervers. Pas de Patrick Chirac à l’horizon. Chez Boisset, la beaufitude induit une violence latente, pas un déferlement de blagues graveleuses. Cette violence se déchaîne en trois temps : d’abord au cours du bal populaire, où un incident éclate entre Lajoie et deux ouvriers nord-africains qui travaillent sur un chantier attenant au camping. La maréchaussée dépêchée sur les lieux a beau disperser les belligérants, on sent qu’une plus grave menace sourd et qu’elle va éclater tantôt. Deuxième temps : le viol de Brigitte Colin, incarnée par la toute jeune Isabelle Huppert. Cette scène constitue évidemment l’acmé du film, en même temps que la fin de Lajoie. Le remords qui suit son crime atteste de l’implacabilité d’une justice immanente, que d’aucuns appellent le destin. Jusque-là, le personnage menait sa petite vie de Français moyen satisfait -on ne disait pas encore beauf-, avec la fierté d’un imbécile. A partir du meurtre de Brigitte, Lajoie porte sur son visage la peur d’une sentence qui finira par s’abattre, comme la morale des tragédies l’exige. La deuxième partie du film consiste en une enquête sur les circonstances du drame. Elle est menée par l’inflexible inspecteur Boular. Jean Bouise impose une présence tout à fait remarquable, avec ce qu’il faut de distance et d’ironie pour qu’on pense à Louis Jouvet.
Soumis aux pressions de sa hiérarchie, le placide homme abandonnera son enquête, alors que l’étau se resserre sur la clique de Lajoie, qui, entretemps, s’est livrée à une ratonnade, croyant venger la petite Colin (troisième temps de la menace). Avant de partir, le policier réunira la petite bande et tancera l’immonde Schumacher qui exulte : "Surtout, ne me remerciez pas !"
Pour Lajoie, les jeux sont faits. S’il sort innocent du camping, ses jours sont comptés. Il ne reste plus qu’à armer le bras de la vengeance. Le frère de Saïd s’en charge, dans le café tenu par Lajoie, où quotidiennement l’on vient célébrer, à qui mieux mieux, sa fierté d’être un Français irréprochable, en sirotant des ballons de rouge.
Cinquante ans après sa sortie, Dupont Lajoie interpelle toujours sur ce qu’on appelle fatalement "le racisme ordinaire", qui ne l’est jamais vraiment.