Trompeuses apparences
Le 6 octobre 2004
Le mensonge menace, l’invention apaise. Quelle option l’emportera dans ce roman d’une beauté douloureuse ?
- Auteur : Dominique Mainard
- Editeur : Joëlle Losfeld
Avec l’apparition d’un vagabond dans le parc de la ville, le passé d’une jeune femme ressurgit. Se succèdent alors interrogations et révélations au gré de la mémoire malmenée de Lena et de celui qu’elle a reconnu comme étant son frère perdu. Un récit dont on émerge comme d’un "rêve étrange et pénétrant".
Léna, d’emblée, intrigue, touche. Elle est à la fois d’une banalité presque transparente, elle qui s’habille sans réelle recherche, fait ses courses en évitant de parler aux habitants de cette petite ville semblable à tant d’autres, s’occupe consciencieusement de son fils et de son époux, et d’une étrangeté que l’on perçoit aussitôt sans trop savoir à quoi l’attribuer. Peut-être est-ce dû à l’évocation de ce bout de mémoire effacé, ces quelques années de sa vie que Léna a oubliées, sans doute pour se protéger mais de quoi et de qui ? On sait aussi qu’elle est arrivée égarée dans la ville et n’a jamais rien dévoilé de qui elle était, pas même à son mari si dévoué, pas même à son fils qu’elle adore.
Pourtant ces deux-là, le père et le fils, on le comprend très vite, partagent à leur manière les secrets de Léna ; il s’agit d’une complicité très belle et qui se passe de mots. Quelque chose d’étonnamment doux et tolérant qu’on envie comme l’expression d’un amour indestructible. Mais Le ciel des chevaux est avant tout le roman du mensonge, à ne pas confondre avec l’invention. Car l’un est un poison, qui s’insinue dans les rêves et les espoirs, qui tue l’innocence, et l’autre est une force vitale, l’expression d’un pouvoir : celui, précieux, de redessiner le monde à l’infini. C’est ce qu’a fait Léna pour son petit frère fragile et différent ; c’est ce qu’elle a fait ensuite avec sa propre existence afin de combler le gouffre au-dedans d’elle ; c’est ce que fait son époux, qui accompagne Léna dans sa réinvention de soi, respecte ses silences et ses failles.
Le mensonge menace ; l’invention apaise et aide à vivre. C’est le combat de toute existence qui se joue ici sous la plume singulière de Dominique Mainard : celui qui oppose entraves et liberté. La prouesse de ce roman d’une beauté douloureuse est de ne jamais nous laisser deviner, ballottés que nous sommes entre passé et présent, entre exaltation et chagrin, quelle force, quelle vision du monde l’emportera. Du coup, c’est aussi poignant qu’envoûtant ; le mariage improbable et réussi de la comptine et du roman noir...
Dominique Mainard, Le ciel des chevaux, Ed. Joëlle Losfeld, 2004, 258 pages, 16,50 €
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Milie 22 octobre 2004
Le ciel des chevaux - la critique du livre
je suis en train de lire"le ciel des chevaux" : je m’y plonge avec une délectation immense ; je ralentis ma lecture pour ne pas finir ce livre qui me fascine.
Carole Zalberg 24 octobre 2004
Le ciel des chevaux - la critique du livre
Oui, je comprends ; j’ai ressenti la même chose dès les premières lignes...