Auprès de la densité étourdissante de ses romans, les nouvelles de Thierry Jonquet font figure, au premier regard, de récréation sympathique mais un peu insipide. La vigie regroupe neuf textes, très inégaux, en longueur et en genre. Des tableaux "à la Jonquet", en noir et rouge, qui balancent en vrac la violence, la haine et la bassesse de l’humanité, en quelques coups de brosse.

C’est peut-être dans la nouvelle-titre que l’on retrouve le Jonquet de Moloch, ou des Orpailleurs. Ce génie de la construction, ces chassés-croisés de personnages et de destins qui finissent toujours par s’entrecroiser pour tisser le drame. Ailleurs, on sent pourtant parfois le plaisir de l’auteur à livrer ses histoires. Des histoires courtes, qui n’auraient sans doute jamais eu que ces quelques pages à vivre, des idées de romans jamais nés. Comme le grand Show satanique, ou les tour operators très spéciaux. Et puis en marge, inclassable et vengeur, Trente-sept annuités et demi... Un baume pour le cœur de tous ceux qui un jour ont risqué un orteil dans le giron ingrat de la fonction publique ! Un portrait tout en classicisme pour magnifier l’image éternellement superbe du chef de service administratif, transfiguré par le maniement du classeur et la gestion de la papeterie. On n’y reviendra pas... Jonquet est bien meilleur dans le long. Mais il y a là quelques petits moments de grâce qui nous feront au moins patienter.