La tête qui flotte

Si l’on devait prendre une photo de famille de la scène electronica d’ici, on serait forcément tenté de placer Laurent Girard au milieu des artistes de chez Active Suspension, entre, disons, My Jazzy Child et Domotic, tiens. Dans cette mise en avant des hasards et des joyeuses collisions, dans ce refus de la perfection au profit de l’inspiration, fût-elle atteinte à travers des fausses notes et des dérapages, notre homme trouve parfaitement sa place. Mais il y a plus dans Melodium.

Des mélodies ? Oui, évidemment. Jetez simplement une oreille sur le magnifique morceau d’ouverture Hellomusic pour vous en rendre compte, ou plongez dans Le creux est ma matière première (titre qui en dit long sur la façon de travailler du bonhomme). Il y a même du Yann Tiersen chez Melodium, comme en atteste le stupéfiant Mon baromètre mental, pièce centrale du disque. On pense en même temps à Matt Elliott et à son ancien projet The Third Eye Foundation (qui avait d’ailleurs collaboré avec Tiersen), dans cette manière jouissive et insouciante de mélanger bouts de mélodies parfaites et arrangements brouillons ou dérapages incontrôlés (le drôle de synthé à la fin de Se rayer provisoirement de la liste des vivants).

Ailleurs, on sent également poindre une vieille passion pour les productions Warp, particulièrement évidente sur L’attachement aux symptômes ou Marcher à l’envers dans Nantes-Atlantique. Et, à travers ces titres à rallonge souvent magnifiques, on serait tenter de citer Julien Loquet, alias Gel : ou Dorine Muraille, avec qui Laurent Girard semble partager ce même besoin de la prise de risques, du refus de la redite. En cela, La tête qui flotte est un disque remarquable : kaléidoscopique à souhait, il offre sans cesse de nouvelles ouvertures, de nouvelles entrées, aussi casse-gueule ou étroites soient-elles. Au milieu de cet espèce de Rubix Cube cabossé, Laurent Girard impose avec beaucoup de modestie une plume sonore irrésistible ; à nous de lui donner l’assurance nécessaire à la faire fructifier.