Eros et Thanatos
Le 19 juin 2012
Dans un Japon défait propice à l’affrontement de pulsions de vie et de mort, Kijū Yoshida signe un film universel et intemporel sur le désir. Ce chef-d’œuvre inédit en France est à découvrir sans plus attendre à l’occasion de sa réédition en salles en copie neuve suivie de sa sortie DVD.
- Réalisateur : Kijū Yoshida (Yoshishige Yoshida)
- Acteurs : Mariko Okada, Sō Yamamura, Eijirō Tōno, Hiroyuki Nagato, Sumiko Hidaka
- Genre : Drame, Mélodrame
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h53mn
- Titre original : Akitsu onsen
- Date de sortie : 2 avril 2008
– Sortie au Japon : 15 juin 1962
Résumé : 1945, la défaite est proche. Souffrant d’une pneumonie, Shûsaku Kawamoto suit les conseils d’une femme rencontrée par hasard, et se rend dans un onsen niché dans les montagnes. À l’hôtel d’Akitsu, il rencontre Shinko, une jeune fille vive et joyeuse. Alors que les médecins abandonnent Shûsaku à son sort, Shinko décide de veiller sur lui...
Critique : Considéré comme le chef de file de la Nouvelle Vague japonaise dans les années 1960, Kijū Yoshida est méconnu en France. La faute à une œuvre restée longtemps inédite exception faite de Femmes en miroir, le dernier film de Yoshida à ce jour, sorti sur nos écrans en 2003. La rétrospective que consacre actuellement le Centre Pompidou au cinéaste permet de réparer cette erreur en découvrant un pan majeur du cinéma japonais, mais aussi du cinéma tout court. Outre sa présentation au sein de la rétrospective, La source thermale d’Akitsu bénéficie - de même que Eros + Massacre - d’une sortie quasi simultanée en salles et en DVD. Un traitement de faveur amplement mérité.
La source thermale d’Akitsu est d’une beauté plastique saisissante. Ici, les teintes éclatantes des kimonos se conjuguent avec la magnificence du paysage qui au fil des saisons n’offre jamais le même profil. Festival de couleurs donc, mais aussi forte charge sensuelle portée à l’écran par une Mariko Okada éprise de liberté dont le visage mutin se reflète encore et encore dans une valse de miroirs. Pour la petite histoire, c’est au cours de ce film que l’actrice rencontra celui qu’elle épousa et dont elle deviendra la muse à onze reprises.
Dans l’amertume de la défaite, un homme et une femme sont liés par une entente muette. Un implicite qui prend tour à tour le visage de la vie à travers la recherche du plaisir, et de la mort à travers le sacrifice de soi et de l’être aimé. Avec l’arrivée de Shûsaku venu mourir à Akitsu, Shinko trouve enfin un but à sa vie : forcer cet homme hanté par la mort à vivre. Devant l’évidence de sa propre aliénation, Shinko a commis par cet acte l’irréparable. Autrefois si solide et insaisissable, elle devient alors cette silhouette pantelante qui se dérobe à l’écran, si semblable à celle que fut autrefois Shûsaku. Celui-ci, éloigné d’Akitsu, devient pour sa part un être cynique et détaché, maître d’un jeu sur lequel Shinko n’a plus prise. Rongée par l’attente, Shinko a cessé de vivre au présent. Tandis que la ronde des saisons donne le sentiment que pas plus d’une année ne s’écoule au total, le spectateur est alors forcé d’adopter le point de vue de Shinko pour qui le temps s’est bel et bien arrêté.
Pourtant ce mélodrame ne serait pas complet sans un troisième protagoniste de poids. Comme animée d’une force propre, la source d’Akitsu possède le pouvoir de vie et de mort sur ses habitants. À la fois juge et partie, la source guérisseuse suscite sans cesse le retour de Shûsaku tout en retenant auprès d’elle Shinko. Jusqu’à l’inéluctable...
Chronique d’une liaison entre l’amour et la mort, La source thermale d’Akitsu est aussi un magnifique cri de vie.
Galerie Photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
Norman06 21 avril 2009
La source thermale d’Akitsu - la critique
Auteur du très beau Femmes en miroirs, Yoshida est un peintre de la femme et des ravages de la passion. Classique et moderne à la fois, ce récit d’un amour qui foire est beau comme du Sirk. Le travail sur la photo et la musique est remarquable, et Mariko Okada illumine de sa beauté et de son talent ce mélodrame.
Claude Rieffel 20 juin 2012
La source thermale d’Akitsu - la critique
Le centième film de l’actrice Mariko Okada (comme l’annonce le générique) est un grand mélodrame à la Sirk, mais, sous son classicisme de façade, il prend le risque d’ une alchimie formelle extrêmement audacieuse : photo et mouvements de caméra célébrant la beauté exténuante, inhumaine, de la nature au fil des saisons, flots de musique symphonique enrayés par la répétition et les dissonances, sidérantes ellipses temporelles. Chez Yoshida l’esthétisme exacerbé débouche sur l’émotion.