« Tu n’as rien vu à Hiroshima »
Le 10 décembre 2022
Femmes en miroir offre un sublime portrait de famille et demeure l’un des films de référence sur la mémoire de Hiroshima.
- Réalisateur : Kijū Yoshida (Yoshishige Yoshida)
- Acteurs : Mariko Okada, Sae Issiki, Yoshiko Tanaka
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Japonais
- Distributeur : Les Films du Paradoxe
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Durée : 2h09mn
- Titre original : Kagami no onnatachi
- Date de sortie : 2 avril 2003
- Festival : Festival de Cannes 2002
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Résumé : Une mère qui retrouve sa fille qu’elle n’avait plus vue depuis vingt-quatre ans et qui fait revenir au pays sa petite-fille, partie étudié aux Etats-Unis. Trois femmes qui reconstruisent leur histoire à Hiroshima...
Critique : Cinéaste encore méconnu en Occident, le vétéran Kiju Yoshida a commencé sa carrière en 1960 et a réalisé une dizaine de films, dont les sublimes Eros + Massacre (1969) et Onimaru (1988). Présenté hors compétition au Festival de Cannes 2002, Femmes en miroir offre un magnifique portrait de famille digne de Ozu, et la plus belle œuvre sur Hiroshima depuis Pluie noire (1989) de Shohei Imamura. Trois générations de femmes sont confrontées au traumatisme de la tragédie historique. Aï, une veuve âgée, dont le mari avait été irradié par la bombe et dont la fille, jeune mère à l’époque, avait disparu en 1945 ; Masako, amnésique, qui pourrait être la fille de Aï, mais n’a que le vague souvenir d’une plage où elle aurait joué, petite, avec sa mère ; Natsuki, bébé au moment des faits, est la petite-fille de Aï et peut-être l’enfant de Masako. Les trois femmes entreprennent un voyage à Hiroshima, en quête de la vérité et de leur passé. Une sobriété bergmanienne imprègne ce drame très digne, qui fuit tout pathos et chantage aux sentiments en révélant les doutes d’une nation, partagée entre le devoir de mémoire et la nécessité d’oublier. En mêlant les mémoires individuelle et collective, Yoshida montre l’universalité de la douleur et du travail de deuil. Des plans majestueux révèlent le savoir-faire et la sensibilité du réalisateur : la vieille femme se protégeant derrière son ombrelle, un miroir brisé reflétant son doux visage, ou bien encore le mouvement des vagues sur les dunes. Mais le cinéaste évite les pièges de l’esthétisme, tentation qui aurait pu paraître déplacée avec un tel sujet. « Tu n’as rien vu à Hiroshima ». Si les ombres de Resnais et de Duras hantent cette œuvre magnifique, la démarche de Yoshida se veut toutefois plus classique et moins éclatée que dans Hiroshima, mon amour. Soulignons enfin le jeu des trois actrices dont Mariko Okada, grande dame du cinéma japonais, qui interprète avec finesse et délicatesse le rôle de la grand-mère.
Gérard Crespo
Coup d’œil : Film de femmes, Femmes en miroir est aussi celui d’un pays marqué par un traumatisme. « J’ai Hiroshima au fond de moi depuis plus de cinquante ans », déclarait Kiju Yoshida au Monde. « En 1995, avec le cinquantenaire de la bombe, je me suis dit que c’était le moment d’apporter ma vision du XXe siècle et, pour moi, Hiroshima était incontournable. Je me suis décidé à passer outre l’interdiction que je m’étais imposée parce que des gens étaient morts et que j’avais survécu ». Kiju Yoshida, de son vrai nom Yoshishige Yoshida (吉田 喜重), est né le 16 février 1933 à Fukui. Il fut aussi metteur en scène de théâtre et d’opéra, auteur et critique.
Frédéric Mairy
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