Le 30 septembre 2023
Quinze ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Romain Gary signe un pilier de la littérature française du siècle dernier, d’autant plus fort qu’il n’écrase jamais son lecteur, mais l’embarque avec légèreté dans ses aventures.
- Auteur : Romain Gary
- Editeur : Gallimard
- Genre : Roman autobiographique
- Nationalité : France
Résumé : Dans ce roman autobiographique, Romain Gary, né Roman Kacew, conte l’histoire de sa vie mais surtout celle de sa mère, à qui il rend un vibrant hommage, elle qui le pousse dès son plus jeune âge à être remarquable, un « héros, [un] général, Gabriele d’Annunzio, Ambassadeur de France ».
Critique : Lorsque vient l’instant de critiquer La Promesse de l’aube, mieux vaut s’avancer sur la pointe des pieds – ou de la plume – tant il est rare qu’un roman accorde tous ses lecteurs sur ce point : ce livre est un chef-d’œuvre de la seconde moitié du XXe siècle. Récit multi-traduit et diffusé, sans doute l’un des plus connus d’un auteur doublement récompensé au Goncourt (et pas pour ce texte !) La Promesse de l’aube raconte en trois partie sa jeunesse, son adolescence, et ses premiers pas d’adulte. Lui, l’enfant de Vilnius, qui émigre dans le sud de la France dans l’entre-deux-guerres, qui y livrera des combats en tant qu’aviateur, avant de se révéler un immense conteur. Cette vie extraordinaire, dont le destin est ordonné, prédit par une mère pour laquelle il déborde d’amour, se fond dans la grande Histoire de France, et présente un double intérêt : celui de découvrir le destin exceptionnel de Gary, d’offrir également une fenêtre sur ce qu’est la Pologne des années 1920, la France et l’armée d’avant et pendant la guerre.
Si l’hommage à ce texte s’impose, on commencera par le seul reproche que la bonne foi autorise à relever dans le récit : au diable la fausse modestie, Monsieur Gary ! On en vient à sourire quand l’auteur joue de pirouettes pour tenter de faire croire à son lecteur que ce qu’il accomplit dans ces pages est petit, normal et peu digne d’admiration. Certes, Gary prend quelques libertés avec la réalité, ce qui éloigne son ouvrage du genre autobiographique. On l’imagine prendre plaisir à romancer quelques passages, dont certains détails importants de son parcours. Mais chacun est en mesure de vérifier dans les archives les accomplissements hors du commun du jeune homme d’alors, qu’il s’évertue parfois à atténuer... ou du moins joue-t-il à s’en moquer. Diplomate, écrivain à deux prix Goncourt, Compagnon de la Libération… Il n’y a que Gary pour ne pas révérer Gary. Alors le seul reproche à lui faire serait-il celui de la fausse modestie ?
Sans doute, et précisément… parce qu’il n’y a que Gary pour ne pas révérer Gary. Si de fausse modestie il est parfois question, La Promesse de l’aube brille avant tout par une qualité notable de l’auteur, qu’il érige presque en philosophie de vie : l’autodérision. Elle traverse les pages de la Promesse, parfois si sombres, et permet de souffler au milieu des plus grandes douleurs, si bien qu’on garde une note joyeuse de ce parcours teinté de mort, de tragédies en tous genres, de maladie, de blessures graves, et d’encore un peu de mort. Comme Gary dispose d’une plume aussi légère que poétique, et surtout très directe, il engage facilement la participation émotionnelle de son lecteur. L’emploi de la première personne et son style parlé par endroits nous propulsent dans sa peau, et par extension celle de Mina, mère dévouée et courageuse.
L’hommage qu’il rend à cette femme qui l’a trop aimé, le confesse-t-il lui-même, est déchirant. Souvent drôle, toujours poignant, Gary croque cette ancienne actrice de théâtre comme rarement on aura portraituré une mère. Mina éclaire et écrase le récit et son fils en même temps. Si bien que Gary ne livre pas un roman autobiographique, ni un récit de jeunesse ou de guerre : il offre au monde l’histoire de cette femme peu ordinaire, qui ne quitte jamais le jeune Romain, et vivra la gloire à travers lui, il se le jure.
Et là se trouve la tension dramatique qui l’anime lui et son récit : sa mère est malade, mais il s’est juré de la rendre fière avant qu’elle parte. Ce qui donne lieu, non sans humour, à moult tentatives d’atteindre la grandeur, d’être à la hauteur de la France, si chèrement adorée par elle, et quelques mensonges au passage.
In fine, Gary prouve que la simplicité est le meilleur gage d’émotions. Et de mensonges, bien vite, il n’a plus besoin pour impressionner sa mère et son monde, son parcours ne laissant plus de place à la médiocrité. Encore lui faut-il annoncer ses exploits à la vieille Mina, à son retour à Nice après la guerre, dans quelques lignes d’une rare intensité, aussi directes que surprenantes de sobriété.
En ressort un récit d’une incomparable légèreté, porte d’entrée parfaite vers la grande littérature française, si drôle et si tragique. Oui, Romain Gary est bien « ambassadeur de France », l’un des plus illustres représentants de la richesse de sa littérature, et sa légende s’écrit dans La Promesse de l’aube.
390 pages
9,20 €
Folio
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Pierrelamontagne78 1er octobre 2023
La promesse de l’aube - Romain Gary - critique
Belle critique qui donne envie de relire ce chef d’œuvre !