Le 1er décembre 2015
Une magistrale réflexion sur l’ironie du destin, qui se regarde comme un thriller oppressant.
- Réalisateur : Niko Papatakis
- Acteurs : Christos Tsangas, Aris Retsos
- Genre : Drame
- Nationalité : Grec
- Editeur vidéo : Gaumont DVD
- Durée : 1h42mn
- Date de sortie : 28 octobre 1987
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– Sortie DVD : le 9 décembre 2015
– Prix du meilleur film au festival du cinéma européen, à Rimini en 1987.
Une magistrale réflexion sur l’ironie du destin, qui se regarde comme un thriller oppressant.
L’argument : En 1971, Ilyas, 26 ans, quitte la Grèce qui est alors sous le régime des Colonels. Il emporte avec lui la photographie d’une chanteuse, qu’il a ramassée dans la rue. A Paris, il retrouve un parent éloigné, Gerassimos, installé en France depuis 1950. Il lui demande de l’aider à trouver du travail. Un jour, Gerassimos découvre la photographie, ce qui entraîne une série de malentendus entre les deux hommes.
Notre avis : Une photo ramassée par hasard, un vague cousin qui tombe amoureux d’un mensonge, et le personnage principal s’enferre jusqu’à l’inéluctable. Sur cette trame simple et cruelle, Papatakis construit une histoire tragique, mais d’un tragique dérisoire, celui d’une époque qui n’a plus rien à voir avec la grandeur. L’enfermement est le thème souterrain du film : celui de Gerassimos, qui est prêt à tout pour vivre son rêve amoureux, et celui d’Iliyas, prisonnier de son passé à l’armée, de ses peurs, de ses monologues qui l’ont aidé à survivre au cachot. Le cinéaste n’hésite pas à le cadrer dans sa chambre avec, en ombre portée, des barreaux. La prison est évidemment interne, propre à l’homme, mais c’est aussi celle de la Grèce des Colonels que chaque exilé emmène avec lui.
Avec un art consommé, Papatakis éprouve nos nerfs, notamment dans la longue séquence finale en voiture dont on pressent et redoute l’issue, mais c’est tout le film qui repose sur une tension palpable, installée magistralement dans les premières minutes, en quelques plans paranoïaques. La Grèce y est représentée comme une société sous surveillance : les regards, les paroles murmurées, les témoins omniprésents, créent une atmosphère étouffante, bien qu’on soit en extérieur, au soleil. À cet extérieur lumineux s’oppose un Paris gris, dont on ne verra ironiquement que le reflet de la Tour Eiffel dans la vitre d’une cabine téléphonique ; car pour le reste, la France n’est qu’une suite de cloisonnements et de réclusions qui matérialise l’impossibilité d’échapper à un destin funeste, ce qu’Iliyas résume par une formule : « Les gens comme moi, le destin se fout d’eux ». D’une manière générale, Papatakis fait de ses décors des lieux symboliques, y compris dans leurs transformations ; ainsi la maison délabrée de Gerassimos, reflet de son retrait du monde, devient-elle un monument de kitsch invraisemblable, à la mesure du fantasme grandissant.
Le film s’attache aussi au portrait de deux hommes, qu’ un rapport trouble lie implacablement. C’est évidemment à Iliyas que Papatakis réserve le « beau » rôle, celui d’un damné que son passé (un père communiste), sa faute originelle, marque à vie. La métamorphose du personnage se voit physiquement : d’abord voûté, soumis, frappé à trois reprises, il se redresse peu à peu au fur et à mesure que le piège se referme sur lui. Au fond, comme les bonnes des Abysses, c’est par le meurtre qu’il devient lui-même. Enfin responsable de ses actes, il « tue par amour ». C’est encore une fois une vision très dure que le scénariste-réalisateur propose ; il revendiquait de ne pas être « sympathique ». Et, effectivement, le film n’est pas sympathique : il est asphyxiant, sans trace d’humour mais aussi sans complaisance et sans compromis. Suivre le parcours de ce jeune exilé est une épreuve, tant le noir dominant est déplaisant. Mais, incontestablement, c’est une œuvre forte, parfaitement maîtrisée : si Papatakis perd de ses excès, il gagne en froide dureté et peut-être que la sobriété nouvelle rend encore plus épouvantable cette tragédie contemporaine.
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