Coffret Nico Papatakis - le test DVD

Une intégrale de Papatakis, projet audacieux que Gaumont a concrétisé en un coffret pléthorique.

Les films : Le coffret regroupe tous les films de Papatakis, c’est à dire cinq longs-métrages (six si l’on compte les deux versions de Gloria Mundi), soit une œuvre brève, mais intense et forte. Creusant un même sillon, le cinéaste explore les thèmes de la domination et de la révolte en des variations dérangeantes et inconfortables, refusant le réalisme et toute concession.
Papatakis a déjà une vie bien remplie quand il passe à la réalisation : il a entre autres combattu les troupes de Mussolini en Éthiopie, dirigé un célèbre cabaret parisien et produit Genet et Cassavetes. Son premier film, Les Abysses, tourné en 1962, est sans doute le plus paroxystique, évoquant les sœurs Papin en une tension constante et tragique. La tragédie, qui devient un thème dominant, sous-tend aussi Pâtres du désordre (1968), magnifique mélange d’étude ethnographique et de film noir, sur fond de paysages grecs arides. Vient ensuite Gloria Mundi (1975), que Papatakis ressortira en 2005, dans un nouveau montage :
La critique : ICI
En 1986, c’est La Photo, à notre avis son chef-d’œuvre : à partir d’un fait divers, le réalisateur compose une histoire implacable dans laquelle, là encore, la domination, la tragédie et l’humiliation s’entremêlent autour d’une vision ironique et noire.

Enfin, en 1991, Les équilibristes revient sur un drame vécu par Jean Genet, qui avait poussé son amant à devenir un fildefériste jusqu’à son suicide. Piccoli, magnifique, ne s’inspire pas de l’auteur et compose tout en finesse un épouvantable manipulateur dans cette belle réflexion sur les thèmes habituels du cinéaste.

Les suppléments :

Les bonus sont extrêmement nombreux et en majeure partie intéressants, malgré d’inévitables redites. Le coffret est d’abord enrichi d’un fort livret (68 pages) conçu par la fille de Papatakis, Le regard, l’acte : outre des entretiens avec le réalisateur, on pourra lire les articles de Prévert, Breton, Sartre, de Beauvoir et Genet sur Les Abysses, un essai de Federico Rossin, une discussion entre son ex-femme et sa fille, les hommages de Jack Lang et Frédéric Mitterrand. On le comprend, c’est une introduction fascinante à cet univers singulier.
Le DVD bonus contient quatre émissions télévisées Cinéma de notre temps (43 mn), Visage du cinéma (31 mn), Les yeux dans l’écran (25 mn) et Cinéma- vif (30 mn), qui donnent la parole au cinéaste. Malgré quelques redondances, ces documents passionnants reviennent sur l’engagement et l’intransigeance d’un homme dont l’enfance humiliée a conditionné la vie et l’œuvre. Quelques intervenants, dont Michel Piccoli, disent leur admiration pour Papatakis, artiste lucide et extraordinairement exigeant. Mais c’est lui qui analyse le mieux ses thèmes de prédilection (la domination, l’humiliation et la révolte) et sa conception du cinéma, son refus de plaire, sa haine des conventions.
De plus, chaque DVD est complété par une introduction érudite de Michel Ciment d’une vingtaine de minutes. D’autres intervenants (acteurs, amis, distributeurs), pas tous indispensables, composent un portrait nuancé d’une personnalité attachante mais complexe et intransigeante. Passons sur les bandes-annonces : ce sont les extraits d’émissions avec le cinéaste qui sont les plus intéressants et les plus riches.

L’image :

Même sur les films les plus anciens, le travail de remasterisation livre une image propre et nette, que ce soit en noir et blanc (splendide dans Pâtres du désordre) ou en couleurs (celles un peu pâles de La Photo détonnent légèrement), avec la conservation du « grain cinéma ».

Le son :

Malgré les limites liées aux époques des tournages, le travail du son (refus du réalisme) est plutôt bien rendu par les pistes nettoyées ; quelques stridences et saturations.