Photo compromettante
Le 22 avril 2014
Du Lubitsch avant Lubitsch. Une irrésistible comédie du duo Gigetta et Rodolfi.
- Réalisateur : Eleuterio Rodolfi
- Acteurs : Ernesto Vaser , Gigetta Morano, Eleuterio Rodolfi
- Genre : Comédie, Film muet
- Nationalité : Italien
- Durée : 33mn
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Du Lubitsch avant Lubitsch. Une irrésistible comédie du duo Gigetta et Rodolfi.
L’argument : En se déguisant pour paraître plus vieux le peintre Vaser réussit à se faire engager pour restaurer la méridienne du couvent de Sainte Ingénue. Liliana, une des jeunes pensionnaires de l’internat, invite son amie Gigetta et la tante de celle-ci pour leur présenter son frère, le lieutenant Giorgio. Gigetta et Giorgio tombent amoureux l’un de l’autre mais un incident imprévu compromet leur mariage. Pendant un pique-nique organisé par les religieuses et leurs élèves, Gigetta monte sur un arbre et le peintre Vaser la prend en photo. La série de péripéties déclenchées par les tentatives de récupérer la photo et la plaque compromettantes mettent sans dessus-dessous le couvent, une caserne entière et le commissariat de police. A la fin Gigetta elle-même détruit la photo sans la montrer au public.
Notre avis : Connu notamment pour avoir réalisé, en collaboration avec Mario Caserini, une version fameuse des Derniers jours de Pompei*, Eleuterio Rodolfi (1876-1933) forma avec Gigetta Morano (1887-1986 ; elle sera, en 1953, la mère d’Aberto Sordi dans I vitelloni) un célèbre couple de comédie dans une abondante série de titres produits par la firme Ambrosio de Turin. Des restaurations récentes ont permis de redécouvrir certaines de ces petites perles dont Rodolfi assurait également, en règle générale, la mise en scène : Che paese allegro (1912), Forza irresistibile (1913), Le acque miracolose (1914) ou encore I raggi Z (1917).
- La meridiana del convento (E. Rodolfi - Ambrosio 1916) - Cineteca MNC
La Cinémathèque de Milan a pris l’heureuse initiative de mettre en ligne La meridiana del convento (http://vimeo.com/88630588), tourné sans doute en 1916 bien que le visa de censure date de 1919. Le choix est judicieux : cette bande d’à peine plus d’une demie-heure (sans doute un peu plus à l’origine) est une merveille de drôlerie, de vivacité, d’élégance.
Les ressorts éprouvés du genre burlesque sont mis à contribution : travestissements (la fausse barbe à longueur variable du peintre Vaser ; Gigetta déguisée en apache), courses poursuites effrénées et joyeuses batailles de tartes à la crème (lors du pique nique). Mais la frénésie habituelle du genre (troupe de jeunes filles dévalant une pente en se roulant dans l’herbe ou faisant tomber en s’esclaffant le banc sur lequel elles sont assises) s’accompagne ici d’une espèce de décontraction adulte et d’un raffinement formel auquel contribue largement le superbe travail de l’opérateur Giovanni Vitrotti.
La meridiana del convento (E. Rodolfi - Ambrosio 1916) - Cineteca MNC
Comme dans Mam’selle Nitouche, alias Santarellina, filmé en 1912 par Caserini, ou encore dans Un Garibaldino al convento de De Sica (1942), l’intrigue est située en partie dans un internat tenu par des bonnes soeur ainsi que dans une caserne militaire et permet à Rodolfi d’utiliser décors et uniformes pour organiser de superbes compositions chorégraphiques : tabliers blancs des pensionnaires faisant des exercices de gymnastique ; bonnes soeurs surgissant armées de pelles ; alignement de soldats s’écroulant comme un jeu de quilles ; les deux rangées de lits du dortoir dont les draps sont soulevés l’un après l’autre. On se croirait chez Lubitsch (qui a probablement vu certaines de ces comédies italiennes et a pu s’en inspirer).
- La meridiana del convento (E. Rodolfi - Ambrosio 1916) - Cineteca MNC
Une bonne partie du film est tourné en extérieur dans la périphérie de Turin et la touche documentaire, l’irruption d’un réel irréductible à la fiction confère une puissance d’évocation particulière à certaines scènes : le gamin qui dérobe la bourse de la bonne (et la photo qui est à l’intérieur) devant un étal de fruits ou les chevaux effrayés qui s’échappent entre les immeubles en construction après avoir emporté aux passage l’échafaudage du peintre repeignant la méridienne (et dont les pensionnaires sont prêtes à amortir la chute en tendant un drap).
- La meridiana del convento (E. Rodolfi - Ambrosio 1916) - Cineteca MNC
Outre le remarquable travail sur le cadre (arbre coupant l’écran au premier plan auquel l’ordonnance du lieutenant attache les chevaux ; plans larges avec beaucoup de choses qui se passent au fond , notamment dans la cour de la caserne) on apprécie un art affirmé du découpage et de l’insert (les vues plongeantes sur les chatons autour du bol de lait ou la tablée de convives observés de sa fenêtre par le peintre affamé) et un montage serré qui contribue à donner à l’ensemble un rythme allègre et entraînant.
Gigetta, qui n’est pas une beauté (et un peu âgée pour le rôle) surligne ses effets (sa mine ahurie lorsqu’elle est couchée sur sa branche à califourchon) ou s’adresse en aparté au spectateur, mais elle le fait avec un instinct sûr et une décontraction souveraine qui rendent son jeu irrésistible.
La complicité qui anime toute la troupe d’acteurs ainsi qu’une insolence bon enfant (le peintre aux arrêts inscrivant M... al generale sous le portrait du général qu’il dessine sur le mur de sa cellule) achèvent de rendre totalement électrisante cette brillantissime comédie à la bonne humeur communicative.
- La meridiana del convento (E. Rodolfi - Ambrosio 1916) - Cineteca MNC
*Cette adaptation du roman de Bullwer-Lytton, produite par la Ambrosio de Turin, en même temps qu’une version concurrente de la Pasquali, existe en DVD dans une version de 1h30mn, antérieure à celle de 1h50 restaurée en 2006 par le Museo Nazionale del Cinema di Torino et la Cineteca di Bologna. (en édition italienne, couplé avec la version Bonnard de 1959 ou en édition américaine)
De Rodolfi on peut aussi visionner un remarquable Amleto - Hamlet de 1917, interprété par le grand acteur Ruggero Ruggeri, sur le site de la Cineteca di Bologna ( cinestore.cinetecadibologna.it/video/dettaglio/8444 )
Quant à Che paese allegro et Le acque miracolose, ils ont été édités par la Cineteca di Bologna dans le DVD Attrici comiche e suffragette).
On pourra voir également sur viméo Le nozze di Figaro (1913) de Luigi Maggi, interprété par Gigetta et Rodolfi, et sur le site de la Cineteca di Bologna le très drôle Gigetta è pedinata (1916)
(http://cinestore.cinetecadibologna.it/video/dettaglio/3471).
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