Arrêtez les !
Le 25 décembre 2010
Ce sommet de comique destructeur et transgressif réunit, en 1911, deux irrésistibles vedettes féminines de la firme Pathé Comica. Accrochez vous à vos fauteuils !
- Réalisateur : Roméo Bosetti
- Acteur : Sarah Duhamel
- Genre : Comédie, Film muet
- Nationalité : Français
- Durée : 5mn (91 mètres)
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Ce sommet de comique destructeur et transgressif réunit, en 1911, deux irrésistibles vedettes féminines de la firme Pathé Comica. Accrochez vous à vos fauteuils !
L’argument : Rosalie et Léontine décident d’aller au théâtre. Elles vont considérablement perturber la représentation avant de se faire expulser de la salle.
Notre avis : Réalisé probablement par Roméo Bosetti (1879-1948), un des acteurs et metteurs en scène de comédies les plus prolifiques et les plus talentueux des années 1906 à 1914 (avec Feuillade, Capellani ou Jean Durand), cette courte bande d’à peine 5 minutes permet de réunir deux vedettes comiques féminines de la firme Pathé Comica de Nice : Rosalie, héroïne de 35 films entre mars 1911 et juin 1913, interprétée par Sarah Duhamel, et Léontine, 21 titres d’août 1910 à mars 1912, dont l’interprète n’est pas identifiée.
L’association de ces deux fortes personnalités produit un mélange particulièrement détonnant et le film est un des sommets de la pléthorique production comique de la période, pourtant riche en perles inestimables.
Le rire est provoqué par l’intrusion d’éléments incontrôlables dans un cadre régi par des conventions bien établies. Nos deux furies, ignorantes des règles les plus élémentaires de bonne tenue, vont ainsi semer la pagaille dans une représentation théâtrale, s’amusant à caresser les cranes chauves de deux spectateurs assis juste devant leur loge ou suscitant l’ire générale par leurs manifestations intempestives : rires déchaînés à effet de tremblement de terre auxquels l’assistance réagit par des jets d’oeufs et de légumes, ou pleurs irréfrénables lorsque le héros sur la scène se fait transpercer à mort dans un duel et qu’elles essorent leurs mouchoirs trempés de larmes sur leurs victimes favorites (les fameuses têtes chauves).
Le dispositif de mise en scène est simple et ingénieux : encadré par une courte scène d’introduction qui voit nos deux délurées entrer au théâtre et une scène finale qui les voit en être expulsées brutalement le film va alterner des plans de la galerie, centrés sur les deux visages aux mimiques facétieuses ou, plus larges, incluant les spectateurs souffre douleurs qui les entourent, à des plans du poulailler où d’autres, toujours tête baissée, observent d’un oeil désapprobateur, commentent et lancent des projectiles. Une troisième série de plans permet de suivre le sombre drame en costume qui se déroule sur la scène et qui ne manque pas d’être commenté dans la salle.
Malgré le fond d’angoisse inhérent à la situation le spectateur ne peut qu’applaudir à la joyeuse entreprise de destruction menée à bien avec une belle détermination par les deux insupportables gamines attardées. Même s’il est peut-être en partie inconscient, il y a indéniablement un sous-texte féministe et politique dans cette célébration débridée de la vitalité féminine et vulgaire qui subvertit un cérémonial bourgeois policé.
Cette dimension est présente dans toutes les Léontine, Rosalie et autres Pétronille (11 films Eclair entre novembre 1912 et mars 1915 avec Sarah Duhamel), mais aussi, par exemple, dans les séries italiennes des Lea (Lea Giunchi) ou des Gigetta (Gigetta Morano), ou encore les comédies allemandes avec Dorrit Weixler ( Fräulein Piccolo).
(Une photo extraite de Lea e il gomitolo, 1913 ou comment saccager un appartement en cherchant une pelote de laine.)
Si elles restèrent minoritaires face à leurs innombrables collègues masculins, dont le plus illustre est sans doute Boireau alias Cretinetti (André Henri 1879 - 1940), ces femmes comiques occupent néanmoins une place de choix dans le passionnant panorama de cet âge d’or du cinéma en phase d’industrialisation des années 1907 à 1914 qu’on commence à mieux connaître de nos jours grâce à de nombreuses publications, rétrospectives et éditions DVD.
Nous recommanderons particulièrement :
– en allemand uniquement : l’indispensable Lachende Körper - Komikerinnen im Kino der 1910er Jahre de Claudia Preschl publié par Synema et le Filmuseum de Vienne en 2008.
– Le précieux DVD édité par la Cineteca di Bologna intitulé Cento anni fa - Attrici comiche e suffragette 1910-1914 à l’occasion de l’édition 2010 du festival Il cinema ritrovato. Il contient Rosalie et Léontine au Théâtre et nombre de perles inestimables telles que l’irrésistible Les ficelles de Léontine, Le torchon brûle avec Sarah Duhamel, deux Lea, deux Gigetta, une petite merveille de la firme Ambrosio La nuova cameriera è troppo bella (1912) avec Nilde Baracchi, deux films Pathé de 1910 associant Mistinguett à Prince-Rigadin, et j’en passe.
– Le N° 61 (septembre 2010) de 1895 - Revue de l’Association Française de recherche sur l’histoire du cinéma assorti d’un DVD qui contient 20 raretés dont une autre vision acérée du cérémonial de la sortie au théâtre, l’excellent Gontran et le billet gratuit, film Eclair de 1911.
Finissons par une liste qu’on espère non exhaustive des autres films subsistants de nos deux furies déchaînées, presque tous mis en scène par Roméo Bosetti :
– Série Léontine : Léontine est incorrigible, Léontine apprentie modiste, Léontine en vacances, Le bateau de Léontine, sans oublier Léontine garde la maison, qu’on pourrait rebaptiser Léontine tsunami.
– Dans la série Rosalie, où la corpulence de Sarah Duhamel ne l’empêche pas de faire montre d’une grâce acrobatique, on accordera une place de choix au terrifiant Rosalie n’a pas le choléra qui la voit soumise à une procédure musclée de désinfection. Mais on ne manquera pas non plus : Rosalie et ses meubles fidèles, Rosalie et son phonographe, Rosalie emménage, C’est la faute à Rosalie, Little Moritz demande Rosalie en mariage, Little Moritz épouse Rosalie , Rosalie danseuse, auxquels il faut rajouter deux titres de la série Eclair Le singe de Pétronille (1913) et Le désepoir de Pétronille (1914).
(Une photo extraite de Rosalie et son phonographe)
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