Le 20 mars 2024
Le récit de Morgiève trouve sa place dans la grande tradition du roman familial. Névroses, ressentiments et ambivalences s’incarnent dans l’itinéraire du protagoniste et de son environnement bourgeois.
- Auteur : Richard Morgiève
- Editeur : Gallimard, Joëlle Losfeld
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 17 août 2023
- Plus d'informations : Le site officiel de l’éditeur
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Résumé : Une famille de la haute bourgeoisie versaillaise dans les années soixante : la vipère parfumée à L’Heure bleue, c’est la mère. Le père banquier est absent, les quatre frères se détestent. Ou bien ils s’aiment un peu, beaucoup. Ils ont faim car la mère ne veut pas qu’ils mangent. Ils ne sentent pas bon car elle leur interdit l’eau chaude, et puis à peu près tout, sauf la confession. Jacques se rebelle. Il refuse de faire sa communion solennelle et tombe gravement malade. Il veut vivre. Ce n’est pas si facile. Il faut se battre contre la maladie, contre le sort. Il faut garder l’espoir, attendre l’amour qui guérit tout. Pour accomplir ce miracle, Jacques a deux talismans : un trèfle à cinq feuilles et une graine de haricot. Quarante ans plus tard, il raconte son histoire.
Critique : De l’inconvénient d’être né bourgeois et de finir complètement névrosé. Le livre de Richard Morgiève, qui rejoue une partition bien connue, quelque part entre Bazin et Mauriac, adopte la configuration classique du récit rétrospectif et linéaire pour s’inscrire dans les formes canoniques du roman initiatique, assorties de quelques traumatismes, comme des étapes obligées sur un chemin de construction individuelle.
Mais l’histoire est vraie, un homme l’a confiée à Morgiève et l’auteur l’a transcrite une première fois en 2012, avant de retravailler le texte jusqu’à sa parution sous le titre La Fête des mères.
Les événements se déroulent à partir des années 60, dans un milieu aisé. Le narrateur, Jacques Bauchot, tente de survivre en territoire hostile, entre une mère aussi exubérante qu’instable, sorte de figure mythologisée par le regard du fils, et un père, banquier, que son travail mobilise. Pourtant, bien plus que son activité professionnelle, c’est le poids du traumatisme lié à la déportation qui l’accable et, à l’aune de ce passé douloureux, son incontinence semble symbolique.
Prisonnier de cet environnement adverse, Jacques ne peut pas, dans un premier temps, compter sur sa famille, d’autant qu’un frère sarcastique ne cesse de lui asséner des remarques blessantes qui ont la conscience de leur pouvoir destructeur. Au milieu, le protagoniste s’accable comme le maudit de sa généalogie, sans pouvoir se défaire de ses sentiments ambivalents pour sa mère, affrontant aussi des problèmes de santé.
La douleur prend souvent la forme d’imprécations contre la figure paternelle bien lointaine -« Tout était de sa faute. Il n’aurait pas dû rentrer des camps »- ou la mère à la fois dévorante et aimée - « maman venait du sommeil, c’était obligé. Du sommeil d’un monstre, un espace rit reptilien aux yeux clairs et à la bouche parfumée -. Les dés semblent jetés. Pourtant, un drame infléchira le récit, qui participera aussi à la construction d’une identité sur un chemin tortueux.
Sans innover sur le fond, Morgiève illustre avec talent la tradition du roman familial, même s’il semble parfois agiter les marionnettes d’un théâtre frénétique, qui estompe les contours d’une époque.
432 pages, sous couverture illustrée, 150 x 220 mm
22,00 €
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