Trésor philippin
Le 15 février 2017
Drame intimiste fleuve, cette merveille contemplative confirme l’originalité stylistique d’un cinéaste de premier plan.
- Réalisateur : Lav Diaz
- Acteurs : Charo Santos-Concio, John Lloyd Cruz, Michael De Mesa, Nonie Buencamino
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Philippin
- Distributeur : ARP Sélection
- Durée : 3h46mn
- Titre original : Ang Babaeng Humayo
- Date de sortie : 1er février 2017
- Festival : Festival de Venise 2016
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Résumé : Horacia sort de prison, trente ans après avoir été injustement incarcérée. Elle a deux raisons de vivre : se venger de l’homme qui l’a fait condamner et retrouver son fils.
Critique : Figure majeure du nouveau cinéma philippin, Lav Diaz reste encore méconnu en France, malgré une rétrospective de son œuvre au Jeu de Paume en 2015. Norte, la fin de l’histoire, d’une durée de 4h10, avait été sélectionné à Un Certain Regard avant de connaître une sortie confidentielle. Espérons que le Lion d’or remporté pour le présent film permettra au réalisateur d’élargir son audience. Certes, ce drame psychologique de 3h45 (une épure pour cet artiste), ni avide de rebondissements, ni franchement policier, n’est pas d’un abord facile, et sa lenteur narrative pourra en rebuter plus d’un. On tombe pourtant très vite sous le charme de cette mère courage, dont le parcours et la personnalité oscillent entre les figures de La Porteuse de pain, The Bride de Kill Bill ou Ma Dalton, à moins qu’il ne faille convoquer les vengeresses meurtries incarnées par Jeanne Moreau dans La Mariée était en noir ou Danielle Darrieux dans En haut des marches.
- Photo ARP Sélection
Mais Horacia, mi-protectrice, mi-vulnérable, hésitant entre respect des traditions et attitude en borderline, est aussi dans la lignée des protagonistes de Insiang de Lino Brocka et Ma’ Rosa de Brillante Mendoza. Autant dire que Lav Diaz prolonge une démarche initiée par ses deux prestigieux compatriotes, tout en proposant son propre style. Au néoréalisme baroque et flamboyant de Brocka et Mendoza, Lav Diaz préfère le non-dit et les zones d’ombre, au sens propre comme au figuré puisqu’une grande partie du récit se déroule dans des recoins nocturnes et glauques : les déambulations d’Horacia l’amènent en effet à côtoyer une faune à la dérive : marchand ambulant bossu, prostituée perdue, travesti humilié trouvent en elle une bienfaitrice inespérée, que d’aucuns comparent à mère Teresa, quand les silences de la vieille dame (digne ou indigne ?) laissent présager de plus sombres desseins.
- Photo ARP Sélection
Oubliant pendant deux bonnes heures le MacGuffin et le fil conducteur de son synopsis (le mafieux à éliminer est-il une fausse piste narrative ?), le cinéaste brouille les cartes et les genres (dénonciation sociale, onirisme), et s’attarde sur des détails (les soins prodigués à un blessé, une virée au bord de la mer) qui se révèlent eux-mêmes de fausses digressions. Et par des plans fixes aussi fascinants que dans les œuvres d’Antonioni, d’Eustache ou de Béla Tarr, Lav Diaz s’impose comme un virtuose de la caméra, scrutant au plus près les troubles de ses personnages. Également scénariste, monteur et directeur de la photo de son film, Lav Diaz est l’auteur complet de ce bijou filmique, complexe mais fascinant, qui a plus que mérité la distinction suprême à la Mostra de Venise.
– Mostra de Venise 2016 : Lion d’or
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