On connaît la chanson
Le 25 juillet 2018
Un opéra rock radical qui détourne les codes du genre pour s’ériger en une œuvre d’art envoûtante, puissamment politique.
- Réalisateur : Lav Diaz
- Acteurs : Piolo Pascual, Shaina Magdayao, Pinky Amador
- Genre : Drame, Historique, Musical
- Distributeur : ARP Sélection
- Durée : 3h54mn
- Titre original : Ang Panahon ng Halimaw
- Date de sortie : 25 juillet 2018
- Festival : Festival de Berlin 2018
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Résumé : 1979. Au plus fort de la loi martiale instaurée par le président Marcos, quelques villageois rebelles tentent de résister…
Notre avis : Quiconque connait l’œuvre de Lav Diaz ne devrait rien voir de repoussant dans la durée de son nouveau film. Avec moins de quatre heures, La Saison du Diable est même sans doute la plus courte de ses réalisations. A l’inverse, ceux qui ne connaîtraient rien de son oeuvre et qui n’en auraient que l’argument « comédie musicale » risqueraient d’être très surpris en découvrant que ce terme n’est pas forcément synonyme de légèreté romanesque et de chorégraphies mirobolantes. La façon qu’a le porte-étendard de la « nouvelle vague philippine » de transformer les codes des genres qu’il emprunte, atteint ici un niveau de radicalité fascinant. Son « opéra rock », puisque c’est ainsi qu’il le qualifie, se compose d’une succession de plans fixes, entièrement filmés dans un magnifique noir et blanc, dans lesquels tous les dialogues et monologues sont chantés, sur des airs récurrents assimilables à des mantras. Ce dispositif est avant tout un excellent moyen de nous faire pénétrer dans les complaintes d’un peuple soumis à une impitoyable dictature, et ainsi composer un vaste poème sous forme d’ode à la résistance, un message on-ne-plus intemporel.
- ©LarryManda
En prenant pour contexte un village philippin en 1979, victime des soldats du régime de Marcos, Diaz fait plus que revenir sur une heure sombre de son pays. En choisissant pour principaux ressorts émotionnels à ses personnages la peur, le deuil ou encore la foi (en mettant au point toute une imagerie animiste, offrant par là une esthétique ésotérique à son film), cet auteur dresse un portrait d’une grande ampleur de l’Humanité. Et, en choisissant de caractériser les villageois comme pouvant être aussi bien des paysans que des intellectuels, mais aussi en n’ayant pas peur de consacrer certaines scènes aux militaires (dont le chef est interprété par une femme, explosant au passage tous les clichés sexistes), c’est l’universalité de ces sentiments que le réalisateur parvient à transcender au-delà du moindre manichéisme lourdaud.
- ©LarryManda
Ainsi, puisqu’il est impossible de ne se sentir touché par le drame vécu par l’ensemble de ses personnages, et que l’image joue avec les perspectives afin de mieux nous permettre d’y entrer, le format musical, à défaut d’alimenter le réalisme à leurs échanges, amplifie plus encore l’intensité émotionnelle de leur ressenti. Alors que certaines scènes réussiront à coup sûr de tirer les larmes, d’autres se révèlent bien plus surprenantes en rendant cette ambiance répressive anxiogène au point de rendre concrète la teneur fantastique sous-entendue par le titre. Et la volonté de faire face à ce régime liberticide devient immanquablement dispensée à chacun de ses spectateurs. Cette réussite prouve que l’audace et la maîtrise de Lav Diaz pour présenter une proposition artistique aux antipodes de ce que le cinéma commercial nous offre chaque semaine lui permet de signer une œuvre politique imparable.
- © ARP Distribution. Tous droits réservés.
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