Le 31 juillet 2019
- Réalisateur : Lav Diaz
- Acteurs : Piolo Pascual, Shaina Magdayao, Joel Lamangan
- Titre original : Ang Hupa
- : ARP Sélection
- Genre : Drame, Science-fiction, Noir et blanc
- Nationalité : Chinois, Philippin
- Date de sortie : 31 juillet 2019
- Durée : 4h36
- Titre original : Ang Hupa
- Festival : Festival de Cannes 2019, Quinzaine des réalisateurs 2019
Dystopie à la photographie soignée mais à la facture minimaliste et à l’esthétique radicale, Halte en exige trop de son spectateur pour que son propos politique puisse toucher le grand public.
Résumé : Nous sommes en 2034. Cela fait trois ans que l’Asie du Sud-Est est dans le noir, littéralement. Le soleil ne se lève plus, suite à des éruptions volcaniques massives dans la mer de Célèbes. Des fous dirigent les pays, les communautés, les enclaves et les villes. Des épidémies cataclysmiques ont ravagé le continent. Ils sont des millions à être morts, des millions à être partis.
Notre avis : Devant un film du Philippin Lav Diaz, le spectateur est sommé de suspendre son incrédulité. Alors qu’il s’agit pourtant d’un de ses films les plus courts, Halte dure presque cinq heures et, si le contexte futuriste du long métrage constitue une nouveauté dans la filmographie du cinéaste, sa manière reste, elle, inchangée : un noir et blanc très soigné, peu de personnages à l’écran et des plans-séquences très longs, dans des cadres larges et fixes, la caméra ne s’animant que lors de rares scènes de sexe et d’exécution.
- Copyright : ARP Sélection
Dans Halte, en effet, durant la nuit perpétuelle qui sert de cadre au récit, la population philippine vit sous le joug d’un autocrate ubuesque, tout aussi sanguinaire que pleurnichard, qui célèbre l’anniversaire du bombardement de Nagasaki en déclenchant une opération destinée à détruire tous les foyers de résistance. Dans sa tour d’ivoire, il boit, s’entretient avec des autruches ainsi qu’avec ses cactus, fait de la couture et danse avec sa garde rapprochée exclusivement féminine, tandis que des drones assassins surveillent l’univers orwellien sur lequel il règne.
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Car le film n’est pas une simple dystopie et, en le situant dans un futur proche (le scénario original s’intitulait d’ailleurs 2019), Lav Diaz nous suggère d’y voir les Philippines d’aujourd’hui. Ainsi, alors que La Saison du diable mettait en scène un despote, Narciso, qui rappelait le dictateur Ferdinand Marcos, nous découvrons, dans Halte, le truculent président Nirvano Navarra, qui n’hésite pas à nourrir ses crocodiles avec les cadavres, découpés en morceaux, de ses opposants. Selon Lav Diaz, il ne s’agit pas uniquement d’un double bouffon de Rodrigo Duterte, mais plutôt de l’incarnation d’un nouveau despotisme dont ce dernier n’est qu’un des avatars : malheureusement, même si les références au péril environnemental et à la post-vérité évoquent certains faits d’actualité, à trop vouloir frapper de cibles, Lav Diaz finit par en manque la plupart.
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Mais c’est surtout en faisant l’économie de décors futuristes (qui donnent d’ordinaire leur ancrage aux récits d’anticipation) ainsi que d’accessoires technologiques (à l’exception de drones en images de synthèse) que le cinéaste affaiblit l’efficacité d’un récit déjà alourdi par une pléthore de personnages : de la call-girl amnésique à la recherche de ses souvenirs (entraînée par ailleurs à être plus performante que les robots sexuels), à l’opposant politique, ancien chanteur de rock, souffrant d’anosognosie, en passant par un prêtre combattant, le spectateur ne sait plus vraiment à quel dissident se vouer.
D’autant que le système allégorique déployé par le récit est, parfois, un peu trop littéral : les métaphores de la nuit et de la pluie, par ailleurs diluvienne, vouées à disparaître une fois le pays réinvesti de sa mémoire grâce à l’art, et en particulier à la musique metal, apparaissent quelque peu artificiels.
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Halte est, de fait, ce qu’il est convenu d’appeler un film de festival, qui a d’ailleurs été logiquement sélectionné la Quinzaine des réalisateurs, autrement dit un long métrage exigeant, destiné aux happy few qui feront l’effort d’en regarder les cinq heures. Il relève donc d’un cinéma à la fois fécond et nécessaire, mais penser en faire le support d’un brûlot politique semble constituer un indépassable paradoxe.
Galerie Photos
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