L’art d’un maître
Le 17 septembre 2014
La première réussite parlante de Jean Renoir est un drame intense. Michel Simon trouve ici son premier grand rôle.
- Réalisateur : Jean Renoir
- Acteurs : Michel Simon, Max Dalban, Alexandre Rignault, Henri Guisol, Sylvain Itkine, Georges Flamant, Janie Marèse, Magdeleine Bérubet
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Solaris Distribution, Les Etablissements Braunberger-Richebé
- Durée : 1h40mn
- Date télé : 27 octobre 2023 21:00
- Chaîne : OCS Géants
- Reprise: 17 septembre 2014
- Date de sortie : 19 novembre 1931
- Festival : Festival de Cannes 2014
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Résumé : Employé effacé et peintre amateur, marié à une femme qui le déteste, Maurice Legrand, tombe éperdument amoureux de Lulu, qu’il rencontre à Montmartre. Celle-ci est sous la protection de Dédé, un petit souteneur brutal, dont elle est le gagne-pain. Ce dernier la pousse à avoir une relation avec Legrand, qui en vient à l’entretenir. Dédé, toujours en manque d’argent, commence à vendre les toiles de Legrand, faisant croire qu’elles sont peintes par Lulu. Cette dernière va abuser de la crédulité de Legrand et provoquer sa déchéance…
Critique : Premier long métrage parlant de Jean Renoir, La chienne, adapté d’un roman mineur, est l’une de ses grandes réussites, et un exemple de ce qui a été fait de mieux au début du cinéma parlant. Rescapé du muet tout comme René Clair, Abel Gance, Marcel L’Herbier et quelques autres, Renoir imprime sa griffe d’auteur et exploite les possibilités du sonore dès la première séquence, qui voit un théâtre de Guignol présenter les protagonistes. Le rideau se baissera à la fin du récit, jolie mise en abyme qui sera reprise dans Le petit théâtre de Jean Renoir (1969), son dernier film. Guignol annonce en outre la couleur : les personnages incarneront soit le bien soit le mal, mais avec une frontière floue, relativité à laquelle fera écho l’une des répliques les plus fameuses de La règle du jeu : « Le drame dans ce monde, c’est que chacun à ses raisons ». Avoir fait du pathétique Legrand un peintre du dimanche qui se révèle un artiste majeur n’est évidemment pas un hasard, tant l’héritage d’Auguste Renoir, son père, et le thème de l’art dans le film imprégneront les scénarios de ses futures réalisations, du théâtre du Carrosse d’or aux cabarets de French cancan. Limpide, épurée, linéaire, l’histoire fait la part belle aux contrastes de classes. Caissier docile mais peintre de talent, Maurice n’est reconnu ni par son employeur, ni par son épouse, mégère inculte et sans goût, ni par la communauté des peintres, qui ignore jusqu’à son existence, ni par les marchands d’art, qui respectent ses toiles sans en connaître le véritable auteur, ni surtout par Dédé (Georges Flamant) et Lulu. Elle, entretenue et un temps poule de luxe, symbolise la misère culturelle et une ascension sociale fragile, se montrant autant manipulatrice que victime.
Lui est un maquereau sans scrupules, qui a les apparats du nouveau riche, tout en étant méprisé par la bonne société, plus indulgente avec Legrand, à l’existence médiocre mais d’un conformisme apparent. Tout compte fait, ce dernier n’aura pour véritable complice qu’un colonel menant une double vie, et avec lequel il se comporte comme un gamin dans une séquence qui anticipe Boudu sauvé des eaux. Certains passages n’échappent pas au théâtre filmé, notamment ceux montrant les scènes de ménage entre les époux Legrand. Avec le jeu outré de l’actrice Magdeleine Bérubet dans le rôle de Mme Legrand, c’est la seule réserve que l’on apportera. Car La chienne est un véritable trésor du cinéma français, comprenant de nombreuses séquences mémorables, le sommet étant un meurtre filmé de main de maître. Il n’est pas superflu d’ajouter que Renoir est un merveilleux directeur d’acteurs. Michel Simon s’imposa comme l’un des monstres sacrés du cinéma français, en dépit de l’échec commercial du film. Et dans le rôle-titre, Janie Marèse compose un splendide personnage de garce, mi-ange, mi-démon. L’actrice devait disparaître dans un accident sur la route de Saint-Tropez, quelques mois après le tournage. On peut penser que cette étoile filante aurait pu connaître une carrière similaire à Viviane Romance ou Arletty. Le film sera l’objet d’un remake réalisé par Fritz Lang en 1945, La rue rouge. La chienne a été présenté à Cannes Classics par Les Films du Jeudi et la Cinémathèque française, avec le soutien du CNC et le concours du Fonds Culturel Franco-Américain. Le film a bénéficié d’une restauration en image 2k (d’après un scan 4), effectuée par Digimage Classics, la restauration de la bande sonore ayant été le fruit du travail de Diapason.
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