Enfant trouvé
Le 24 janvier 2013
Une adaptation inspirée de la nouvelle d’Alphonse Daudet qui révèle déjà entier le talent et l’instinct de cinéaste d’un Epstein presque débutant.
- Réalisateur : Jean Epstein
- Acteurs : Pierre Hot, Georges Charlia, Jean-David Evremond, Blanche Montel, Maurice Touzé, Max Bonnet
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Durée : 1h16mn (Copie de la Cinémathèque Française)
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– Tourné en 1923
Une adaptation inspirée de la nouvelle d’Alphonse Daudet qui révèle déjà entier le talent et l’instinct de cinéaste d’un Epstein presque débutant.
L’argument : Un soir d’hiver, le patron de la péniche La Belle Nivernaise, trouve un gamin abandonné et l’emmène à bord. Victor, ainsi s’appelle le gamin, est devenu, quelques années plus tard, le second de Louveau et l’intime de Clara, la fille des Louveau ce qui ne fait pas l’affaire de L’Équipage qui fut longtemps le second de Louveau. Quelques mois après, Victor est reconnu comme le fils de Maugendre un négociant de Vernon qui est le fournisseur habituel de Louveau. Alors que Louveau est parti voir Maugendre, L’Équipage, ivre, poursuit Clara. Aux cris de la jeune fille, Victor, lâche le gouvernail et se porte à son secours. Blessé, Victor, réussit cependant à redresser la péniche et à l’amarrer. Maugendre met son fils au collège mais Victor tombe malade. Clara également dépérit. Alors les Louveau vont chercher Victor. Et comme La Belle Nivernaise fait eau de toute part, Maugendre achète à son ami Louveau une nouvelle péniche dont Clara et Victor sont les parrains.(http://filmographie.fondation-jeromeseydoux-pathe.com)
Notre avis : Comme L’Hirondelle et la Mésange d’André Antoine, ce film, un des premiers réalisés par Jean Epstein, se déroule en grande partie sur une péniche. Le tournage en extérieur de nombreuses scènes permet à ce presque débutant de 26 ans, brillant théoricien (Bonjour, cinéma, 1921) mais aussi cinéaste à l’instinct déjà sûr, de s’affranchir souvent de l’illustration servile de la longue nouvelle d’Alphonse Daudet La Belle Nivernaise : histoire d’un vieux bateau et de son équipage, publiée chez Marpon et Flammarion en 1886.
Remplissant consciencieusement sont contrat, il respecte assez scrupuleusement l’intrigue d’origine, la modernisant certes un peu mais ne cherchant pas à gommer les aspects convenus de la caractérisation des personnages et des rebondissements dramatiques, ni la sentimentalité un peu mièvre, voire légèrement sulpicienne du texte (le chromo de l’ange gardien) et son humour bon enfant (le commissaire et le greffier qu’on retrouve dix ans après, presque inchangés) .
Il prend même, comme il le fera plus tard dans le superbe Les aventures de Robert Macaire (1925), un plaisir communicatif à ressusciter l’esprit du roman populaire dix-neuvième siècle. Mais ce sont à l’évidences les potentialités cinétiques du projet qui stimulent surtout son talent.
Epstein fait sentir la présence du fleuve (la Seine) en s’adonnant au jeu toujours varié de l’immobile et du mouvant, observant du bateau le paysage qui défile ou, lorsqu’une action dramatique se déroule sur le pont de l’embarcation amarrée à quai, faisant passer à toute vitesse, comme indifférente, une autre péniche en arrière plan.
- La Belle Nivernaise (Epstein 1923) - Pierre Hot
Il sait donner un relief à chaque scène en faisant vivre le décor (le lampadaire auquel s’adosse l’enfant au début pour y passer la nuit et l’attroupement que provoque l’arrivée de l’agent de police) et composer de magnifiques plans larges qui respirent (les frondaisons d’arbres immenses surplombant les personnages minuscules marchant sur la berge).
Mais il recourt aussi abondamment aux gros plans de visages qui l’aident à donner aux personnages une humanité qui dépasse la caricature (y compris pour le méchant de l’histoire, l’Equipage ; un peu moins pour les deux jeunes héros, un brin insipides).
Le montage est très articulé mais plus atmosphérique que simplement soumis à la seule loi de l’efficacité dramatique.
Quelques effets annoncent l’esthétique impressionniste qui se déploiera dans les films ultérieurs, plus expérimentaux (La glace à trois faces, La chute de maison Usher) : surimpressions, caméra mobile, fragmentation du plan. On retiendra notamment une séquence de rêve à partir d’une reproduction de la Sainte Anne Léonard de Vinci et celle, véritablement virtuose, de l’avancée lente du jeune héros, pensif, au milieu de l’agitation de la cour de l’internat qui arrive à susciter une sourde sensation de panique, l’oeil du spectateur ne pouvant s’empêcher de suivre la trajectoire imprévisible du ballon qui menace l’équilibre fragile du plan.
On reteindra aussi l’apparition surprenante de la soeur garde-malade se penchant sur le héros (qu’on devine immédiatement malade et alité) dont le visage est comme encadré par la coiffe banche volumineuse emplissant tout l’écran.
Partout le trait est assuré, sûr de son effet, mais chaque plan a en même temps une vie propre, au delà de l’intrigue comme dans cette jolie séquence où les jeunes héros vont au cinéma et où le spectacle est dans la salle (l’ouvreuse, les couples qui s’embrassent) autant que sur l’écran (il y passe une parodie de théâtre filmé grandiloquent).
Bref, du grand cinéma, vivant et indémodable, comme on l’aime.
- La Belle Nivernaise (Epstein 1923) - Blanche Montel et Maurice Touzé
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