L’éducation de l’enfant sauvage
Le 4 janvier 2014
Oeuvre mineure dans la filmographie de Jean Epstein, cette adaptation du roman de George Sand ne manque cependant pas d’attraits.


- Réalisateur : Jean Epstein
- Acteurs : Maurice Schutz, Sandra Milowanoff, Nino Costantini (Nino Constantini), René Ferté, Alex Allin, Halma, Alexej Bondireff, Line Doré, Gilbert Dulong, Jane Thierry
- Genre : Drame, Historique, Film muet
- Nationalité : Français
- Durée : 1h28mn
- Date de sortie : 19 octobre 1926

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– Le film, ainsi que les autres de Jean Epstein dont la Cinémathèque française possède les droits, sera édité en DVD en avril 2014.
Oeuvre mineure dans la filmographie de Jean Epstein, cette adaptation du roman de George Sand ne manque cependant pas d’attraits.
L’argument : La famille des Mauprat, petits seigneurs du Berry, est scindée en deux branches. Depuis leur repaire, le château à demi en ruine de la Roche-Mauprat, Tristan de Mauprat et son frère Jean dirigent une bande de brigands redoutés dans toute la région. Le jeune Bernard, unique survivant de la branche moyenne, a été enlevé tout jeune par Tristan à son cousin Hubert qui vit non loin de là avec sa fille Edmée.
Un jour Edmée tombe de cheval et s’aventure par mégarde dans le repaire des brigands bientôt assailli par la Maréchaussée. Bernard l’aide à s’échapper.
Lorsqu’il est arrêté elle intervient auprès de son fiancé, M. De la Marche, et le sauve de la pendaison avant d’entreprendre la tâche ardue de l’éduquer. Elle l’aime mais ne sera à lui que lorsqu’il aura abandonné ses mauvaises manières d’enfant sauvage et appris à maîtriser ses accès de violence.
Notre avis : Précédant de quarante cinq ans une célèbre version télévisée réalisée par Jacques Trébouta et interprétée par Jacques Weber (Bernard), Karin Petersen (Edmée) et Henri Virlojeux (Patience), cette adaptation du roman de George Sand (publié en 1837) appartient à une phase délibérément commerciale de l’oeuvre cinématographique de Jean Epstein.
- © Cinémathèque française - Mauprat (1926)
Comme dans Le lion des Mogols (avec Mosjoukine) ou Les Aventures de Robert Macaire (très drôles et enlevées), le cinéaste s’amuse à jouer le jeu d’un cinéma populaire et narratif sans renoncer totalement néanmoins à son goût de l’expérimentation visuelle.
Il recourt par exemple assez fréquemment aux surimpressions mais de manière plus décoratives que réellement signifiante et ne pousse pas le travail sur la perception atmosphérique et temporelle aussi loin que dans ses chefs d’oeuvre antérieurs (L’auberge rouge) ou postérieurs (La chute de la maison Usher, Finis Terrae).
- © Cinémathèque française - Halma dans Mauprat (1926)
Par ailleurs, si l’attention au détail, le soin apporté aux costumes et aux décors (signés Pierre Kefer) ainsi que la très belle photo d’Albert Duverger confèrent un impact indéniable à la recréation de l’univers Ancien Régime dans lequel se déploie l’intrigue, on ne peut pas dire qu’Epstein s’applique vraiment à mettre en place une progression dramatique même s’il réussit à créer une tension certaine.
Frôlant la parodie, le film reste le plus souvent au niveau de l’illustration (très réussie) et les personnages secondaires ne sont guère plus que d’amusantes caricatures (trogne incroyable du Jean de Mauprat déguisé en moine interprété par Halma ; Maurice Schutz dans un double rôle ; mais aussi l’abbé et la dame de compagnie médisante).
- © Cinémathèque française - Nino Costantini (Bernard de Mauprat) dans Mauprat de Jean Epstein (1926)
Malgré un jeu légèrement affecté, Sandra Milovanoff confère une allure certaine à la fière Edmée et Nino Costantini, ténébreux à souhait, est tout à fait convaincant en enfant sauvage irascible et capricieux malgré les limites évidentes de son jeu.
C’est néanmoins la nature berrichonne qui passionne avant tout Epstein et lui permet d’aller au-delà de l’exécution un brin laborieuse d’un exercice de style imposé qui le passionne modérément. Elle lui permet de donner à Mauprat la respiration ample et le véritable souffle romanesque qui font de la vision de ce film assurément mineur un véritable plaisir.
- Mauprat - Jean Epstein 1926