Marlène sans voix
Le 5 mai 2012
Ce produit de luxe de la fin du muet éblouit par sa virtuosité un peu vaine et offre à Marlène l’occasion de démontrer qu’elle n’avait pas besoin de Sternberg pour avoir l’aura d’une star.
- Réalisateur : Kurt (Curtis) Bernhardt
- Acteurs : Marlene Dietrich, Fritz Kortner, Uno Henning, Oskar Sima, Frida Richard
- Genre : Drame
- Nationalité : Allemand
- Durée : 1h16mn
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– Tournage : janvier et février 1929 dans les studios de la Terra à Berlin-Marienfelde
– Sortie en Allemagne : 28 avril 1929
Ce produit de luxe de la fin du muet éblouit par sa virtuosité un peu vaine et offre à Marlène l’occasion de démontrer qu’elle n’avait pas besoin de Sternberg pour avoir l’aura d’une star.
L’argument : En épousant Edith Poirier, une riche héritière, Henri Leblanc sauve de la banqueroute l’entreprise familiale qu’il dirige avec son frère Charles depuis la mort de leur père. Pendant le voyage de noce il rencontre dans le train la belle Stacha qui lui demande de l’aider à se libérer de l’emprise de l’homme qui l’accompagne, le Dr. Karoff.
D’abord indécis, Henri abandonne Edith pour rejoindre Stacha et Karoff dans une station de sport d’hiver huppée. La jeune femme est prête à fuir avec lui, mais Karoff, à qui elle est liée par un lourd secret, n’entends pas la laisser partir.
Notre avis : Marlène Dietrich a toujours cherché à entretenir la légende selon laquelle elle n’aurait tenu au cinéma que quelques rôles insignifiants avant d’être découverte par Sternberg pour L’Ange Bleu.
Cette version officielle ne tient évidemment plus du tout la route depuis qu’ont été sortis de l’oubli certains des films qu’elle a tournés en Allemagne entre 1923 et 1929 et qu’on peut désormais constater sur pièce que dans plusieurs d’entre eux elle occupe le devant de la scène et a droit à un véritable traitement de star.
- Marlène Dietrich dans Die Frau, nach der man sich sehnt (1929)
C’est le cas dans L’énigme dans lequel elle incarne une femme fatale, innocemment perverse, dont le titre original Die Frau, nach der man sich sehnt (La femme que l’on désire) fait explicitement le personnage central et pour ainsi dire le pôle magnétique de l’action.
Pas de doute : Marie Magdalene Dietrich n’a pas attendu Sternberg pour être Marlène et les joues un peu plus rondes n’enlèvent rien à l’aura qui émane de sa simple présence à l’écran et que la mise en scène, l’éclairage sophistiqué et la prodigieuse photo de Curt Courant s’appliquent à mettre en valeur.
Comme dans ses films ultérieurs, son jeu, ou son absence de jeu établit cette distance qui fait obstacle à l’identification : cette créature insaisissable échappe à la psychologie. Mais, dans ce dernier film muet*, il lui manque cette voix si particulière qui la rendra encore plus énigmatique et fascinante tout en lui conférant une troublante touche d’humanité.
Il manque aussi à cette Marlène avant Sternberg le regard d’un grand cinéaste qui saurait creuser les apparences d’un univers totalement fabriqué pour en révéler à la fois le côté factice et la paradoxale vérité.
Kurt Bernhardt est un metteur en scène talentueux, brillant même, et il démontre ici à quel point il maîtrise le langage cinématographique de synthèse qui caractérise le meilleur cinéma industriel de la fin du muet, celui qui a assimilé les recherches de l’avant-garde (en particulier au niveau du montage).
- Fritz Kortner et Marlène Dietrich dans Die Frau, nach der man sich sehnt (1929)
Son film qui se déroule en grande partie dans les amples décors d’un palace, est lui-même un produit de luxe et on ne peut que s’extasier devant la virtuosité de son exécution tout en ne pouvant s’empêcher de trouver que tout ça tourne un peu à vide.
* Le film de Maurice Tourneur Das Schiff der verlorenen Menschen - Le navire des hommes perdus , bien que sorti plus tard, en septembre 1929, semble avoir été tourné avant celui de Bernhardt. Dans cette superproduction à grand spectacle, déployant les fastes d’une esthétique de studio un brin exténuante, Marlène, seule femme à bord mais réduite à jouer les victimes effarouchées, est franchement sous-employée même si sa beauté rayonne et que surnagent une ou deux scènes où son magnétisme peut se déployer.
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