Le fric, c’est maléfique
Le 20 août 2018
Ultime chef-d’œuvre de Bresson, L’argent est un aboutissement. Le cinéaste filme les hommes comme les marionnettes d’un diable qui serait un billet de banque. Une charge contre une société aveuglée toujours incroyablement pertinente.
- Réalisateur : Robert Bresson
- Acteurs : Christian Patey, Caroline Lang, Sylvie Van den Elsen, Michel Briguet
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : AMLF Distribution
- Editeur vidéo : Potemkine
- Durée : 1h25mn
- Date télé : 18 novembre 2019 20:50
- Chaîne : France 5
- Box-office : 219 438 entrées France / 99 767 entrées Paris Périphérie
- Date de sortie : 16 mai 1983
- Plus d'informations : Acheter le film
- Festival : Festival de Cannes 1983
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– Sortie DVD et Blu-ray : le 21 août 2018
Résumé : Pour avoir été possession, tout a fait innocemment, d’un faux billet de cinq cents francs, Yvon va êtretre victime d’une série d’injustices qui l’entraîneront au meurtre.
- Illustration : Guy Peellaert
Notre avis : En sortant en même temps en blu-ray Pickpocket et L’argent, tous deux restaurés, Potemkine semble encadrer l’œuvre de Bresson et mettre en miroir le film de la maturité stylistique et celui, ultime, qui n’en fait peut-être pas la somme ni le résumé, mais qui conclut de façon admirable une sorte de manifeste sur l’art du "cinématographe", selon le mot du cinéaste.
Plus encore, il est frappant de voir à quel point ces films se répondent, à 24 ans d’intervalle.
Comme dans la nouvelle de Tolstoï, Le faux coupon, dont il s’inspire, le film décrit la circulation d’un faux billet et les conséquences néfastes de son passage sur les êtres qui l’utilisent, et en particulier Yvon.
Bresson à nouveau filme un essai, un commentaire sur une société qui a oublié la communauté, où les gens ne cherchent que leur profit même le plus petit, sans considération pour les malheurs des autres.
S’il avait filmé le vol des portefeuilles comme l’art d’une élite de criminels suspendue à la quête de la perfection, ici le mal est une contagion, une spirale qui entraîne jusqu’au fond.
- Illustration : Savignac
La mise en scène, de nouveau, fragmente les gestes, les objets et travaille le hors-champ. Jusqu’à l’abstraction, pure perfection des formes.
Avec son utilisation du hors-champ, il est fascinant de voir comment le cinéaste réussit à composer des séquences entières dans une grande économie de moyens. Des plans sur un pied qui écrase une pédale, après un braquage, quelques flics qui courent jusqu’à leur voiture, une coupure sèche et il n’en faut pas plus pour mettre en scène la fuite et l’arrestation d’Yvon.
Comme dans Pickpocket, les mains passent et repassent, en gros plan souvent, et s’échangent l’argent dans un ballet de gestes qui disent à quel point le monde se suspend à la circulation de ces morceaux de papiers.
Ainsi, avec un peu d’humour, l’on pourrait interpréter ce plan dans le couloir du métro, face à une grande publicité affichant "Le groupe de recherche chorégraphique de l’Opéra de Paris", comme une indication sur les intentions artistiques de Bresson.
Dans ce parcours qui est une peinture d’une société courant à sa perte, il aménage un îlot spirituel, où existe encore l’amour désintéressé de son prochain. Mais là encore il faut aller au bout de la démonstration, et c’est une nouvelle fois en prison que le film laisse son personnage, comme s’il fallait passer par ce dénuement et cet isolement pour enfin entrevoir une rédemption.
Ce chef-d’œuvre clôtura la carrière de Robert Bresson et fut couronné du grand prix du cinéma de création au festival de Cannes de 1983. Bresson avait déjà été honoré, en 1967, par un hommage du Jury à l’ensemble de son oeuvre, qui commença en 1933, et, dix ans auparavant par un Prix de la Mise en scène en 1957.
- 2018 (C) Potemkine Films - Agnès B Cinéma - MK2 Vidéo - Affiche : Zygmunt Gornowicz
Le Blu-ray :
Les suppléments :
Une édition un peu moins chargée que celle de Pickpocket mais des entretiens toujours passionnants :
Interview de Robert Bresson (1983) : une interview du cinéaste pour le journal télé de TF1 juste avant la présentation du film à Cannes. Le journaliste insiste sur le fait que c’est Bresson lui-même qui a mis en scène l’interview. Il revient sur son travail et celui des acteurs, et parle lui-même de ses films comme d’essais cinématographiques.
Entretien avec Eugène Green : le cinéaste Eugène Green raconte sa rencontre avec le film, l’interprète et l’analyse pendant un peu plus de 30 minutes.
Entretien avec Jean-François Naudon : ici c’est le monteur du film qui relate son expérience et comment Bresson l’a approché. On y apprend par exemple que le montage se faisait au fur et à mesure du tournage et l’intérêt du cinéaste pour les films mettant en scène... James Bond !
L’image :
Sublime restauration du film en 2K, les teintes froides et grises du film sont parfaitement nettoyées, les noirs profonds et l’écrin de verdure de la fin du film resplendit.
Le son :
La piste Dual Mono ressort sans saturation sur les enceintes, les dialogues sont clairs et le hors-champ sonore toujours bien détaillé.
– Exploité dans seulement 11 salles à Paris intra-muros (aucune en périphérie), L’Argent démarrera sa carrière parisienne avec 26.661 entrées et profita d’un bon bouche-à-oreille qui allait le conduire à frôler les 100.000 tickets. Les nostalgiques seront ravis de retrouver le nom de ces écrans mythiques : le Gaumont Colisée, l’Olympic Balzac, le Forum Cinéma, l’Impérial Pathé, le Hautefeuille Pathé, la Pagode, le Saint-Lazare Pasquier, le 14 Juiller Beaugrenelle, le 14 Juillet Bastille, les Parnassiens, et le Bienvenue Montparnasse. Il tiendra l’affiche en première exclusivité pendant 19 semaines.
– l’affiche du film est signée Guy Peelaert qui a travaillé pour Scorsese (Taxi Driver), Coppola (Outsiders, Coup de coeur) et surtout Wim Wenders (Paris, Texas, Les Ailes du désir, L’état des Choses...)
- 2018 (C) Potemkine Films - Agnès B Cinéma - MK2 Vidéo - Affiche : Zygmunt Gornowicz
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