Feu de tout bois
Le 7 janvier 2003
La SF façon Werber. Clairvoyante mais sent un peu le réchauffé.
- Auteur : Bernard Werber
- Editeur : Albin Michel
- Genre : Roman & fiction, Science-fiction
- Nationalité : Française
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Le 26 décembre dernier, les raéliens annoncaient la naissance du premier bébé cloné en Californie, exacte réplique du patrimoine génétique de sa mère, qui a porté sa jumelle dans son ventre pendant neuf mois et va maintenant la regarder grandir. En écoutant la radio par ce doucereux mois de décembre 2002, l’une des hypothèses inscrites sur les feuilles de l’arbre des possibles m’est revenue brusquement en mémoire : "Si on utilisait le clonage pour engendrer de la main-d’oeuvre gratuite." Peu importe le caractère plus que douteux de la déclaration de Brigitte Boisselier, ça donne comme l’impression que ce qu’on nommait science-fiction la veille en lisant le dernier Werber est déjà là, que ce futur nous a pris de vitesse, et qu’il va désormais falloir compter avec ça.
Mais peut-être n’est-il pas trop tard pour faire pousser cet arbre des possibles ? Bernard Werber le voit comme une immense base de données, alimentée par le Club des visionnaires, des scientifiques de tous les domaines qui se réuniraient et tenteraient d’établir "une arborescence, l’arborescence de tous les futurs possibles pour l’humanité, la planète, la conscience". Sur chacune des feuilles figurerait une hypothèse qui, enchaînée aux autres, permettrait de déduire sa conséquence logique. Ainsi seraient légitimées des décisions politiques impopulaires dans le court terme mais salvatrices pour l’avenir de la Terre.
Intention louable, citoyenne et solidaire... Pourquoi, comme l’auteur nous y invite, ne pas essayer d’y croire et se débarrasser du cynisme ambiant, pourtant bel et bien fondé ? Les dix-neuf autres nouvelles du recueil sont comme L’arbre des possibles, de belles fables qui poussent à la réflexion et à l’observation de nos semblables et de nous-mêmes à travers un regard nouveau. Apprenons à les aimer est un mode d’emploi destiné aux non-humains afin qu’ils comprennent le mode de vie des "humains à l’état sauvage qui ne se doutent même pas de [leur] présence" et qu’ils puissent correctement s’occuper des petits êtres qui vivent dans les humainières pour enfants. Attention : fragile et L’école des jeunes dieux reprennent également ce thème d’une présence extra-terrestre qui gouvernerait les hommes.
Vacances à Montfaucon pourrait répondre à la question "et si l’on pouvait partir en voyage dans le passé grâce aux services d’une agence de voyage et d’une assurance tout risque". Le football pourrait devenir un moyen de régler les conflits entre les nations (Du pain et des jeux), les personnes âgées seraient mises au ban de la société parce qu’elles seraient la cause de dépenses trop importantes (La dernière révolte) ou encore le lion deviendrait l’animal de compagnie favori des Parisiens grâce à l’entreprise Animal Farm soutenue par les syndicats de boucherie (Tel maître, tel lion).
Tout cela est bien beau, écrit dans le style fluide et clairvoyant de Bernard Werber, et pourtant, on n’est ni effrayé, ni catastrophé, ni enchanté à la lecture de ces nouvelles. On garde l’impression que Werber aurait pu en écrire beaucoup d’autres, multiplier les sujets et les hypothèses, pas forcément insensées d’ailleurs et dont les conséquences pourraient effectivement être désastreuses. En fait, le problème n’est pas tant le manque de conviction de l’auteur que le fait qu’il utilise plus ou moins le même filon depuis son premier roman, Les fourmis. L’arbre des possibles a un goût de réchauffé et dégage une sensation de vite écrit, de vite publié, et de déjà lu. Un peu comme si Albin Michel avait absolument voulu un Werber pour Noël...
Bernard Werber, L’arbre des possibles et autres histoires, Albin Michel, 2002, 301 pages, 17,50 €
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