Akira Kurosawa : Wild Side célèbre les années TOHO du cinéaste nippon

Projetés au festival Lumière de Lyon, les inédits d’Akira Kurosawa sortent enfin en DVD et Blu-ray dans une édition remastérisée qui offre aux films un écrin sans pareil. Quatre films édifiants où Kurosawa s’impose déjà, par sa maestria formelle et la force de son propos, comme un artiste hors-norme capable de créer l’émotion à tout instant.

D’aucun connaissent le Akira Kurosawa des Sept Samouraïs, de Ran,ou Kagemusha, fresques somptueuses et atypiques qui ont fait de ce réalisateur l’un des piliers centraux du cinéma japonais d’après-guerre, rejoignant ainsi ses aînés Ozu et Misogushi. Mais ces grands succès publics et critiques ne forment que la partie émergée de l’immense oeuvre du cinéaste. Une œuvre d’artisan de l’image, personnelle, humaniste et racée, toute entière pensée autour de la reconstruction d’un pays en mal de repères hanté par le spectre de la Seconde Guerre Mondiale et du traumatisme de la bombe.

Si le cinéma de Kurosawa n’est pas foncièrement politique, le réalisateur ne cesse de s’interroger sur le devenir d’un pays profondément meurtri, ébranlé jusque dans ses racines. Quelle est donc cette identité qui fait de nous ce que nous sommes, héritiers d’une civilisation qui était là avant nous et continuera après nous ? Tous réalisés entre 1944 et 1947, les films prennent le pouls de cette société à la dérive prise dans un conflit entre la tradition et une nécessaire modernité. Il y a de la nostalgie chez Kurosawa, mais il n’apparaît pas non plus comme le reliquaire d’un âge d’or nippon où la vie était douce et paisible. Ses films féodaux en sont bien la preuve. Toujours aller de l’avant, se battre pour défendre ses convictions et ses rêves, trouver sa propre voie même si le chemin est parfois long et tortueux : voilà l’essence de son cinéma résolument optimiste.

Que ce soit en prenant appui sur les faits historiques ayant mené le Japon au désastre de la guerre (Je ne regrette rien de ma jeunesse), en nous contant une fable moyenâgeuse prônant les vertus de la sagesse (Qui marche sur la queue du tigre), en mettant en scène le quotidien de jeunes usinières soutenant l’effort de guerre (Le plus dignement) ou en suivant l’errance d’un couple d’amoureux dans un Tokyo en pleine mutation en proie à la loi du plus fort et au marché noir (Un merveilleux dimanche), le cinéaste parle toujours, avec humour, tendresse et poésie, de son sujet de prédilection : l’Homme. Comme Martin Scorsese, qui lui doit sans aucun doute beaucoup, Kurosawa est un avant-gardiste, un cinéaste offrant une place prépondérante aux personnages en marge, aux démunis, et, chose assez novatrice dans une société japonaise encore très conservatrice, il fait la part belle aux femmes en livrant des portraits réellement saisissants . Mais c’est dans les creux, dans les silences, dans ces gros plans magnifiant toute l’expressivité d’un visage, que le cinéaste nous touche le plus, et fait transparaître l’humain qui affleure sous la carapace.
Les critiques de ces films suivront dans les prochains jours.