Le 23 mars 2025
Un premier long métrage de fiction attachant sur le mal-être d’un trentenaire. Le réalisateur évite les clichés par un ton décalé et une limpidité du dispositif.


- Réalisateur : Iar Said
- Acteurs : Antonia Zegers, Iair Said, Rita Cortese, Juliana Gattas
- Genre : Drame, LGBTQIA+, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Espagnol, Italien, Argentin
- Distributeur : JHR Films
- Durée : 1h15mn
- Titre original : Los domingos mueren más personas
- Date de sortie : 7 mai 2025
- Festival : Festival Chéries-chéris, Festival de Cannes 2024

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Résumé : David, trentenaire maladroit, en plein chagrin d’amour, doit retourner dans son Argentine natale pour assister aux funérailles de son oncle. L’occasion de renouer avec sa mère et sa famille juive, tout en se lançant dans une quête à travers Buenos Aires pour apaiser son anxiété par le biais de leçons de conduite, de soins de santé bon marché et la tentative de coucher avec tout homme qui lui accorde un peu d’attention.
Critique : Il s’agit du premier long métrage de fiction de l’acteur argentin Iar Said, déjà auteur de deux courts et d’un documentaire, Flora no es un canto a la vida (2019). Présenté à la section ACID du Festival de Cannes 2024 puis dans d’autres rencontres dont Chéries-chéris, distribué par JHR Films, Moi, ma mère et les autres a tous les oripeaux du « petit film sympathique et prometteur », sans associer cette formule à une volonté de condescendance ou de fausse bienveillance. Car le scénario, tout comme la mise en scène, témoigne de qualités authentiques. Certes, le récit part de conventions d’écriture avec les déboires de ce trentenaire, célibataire à son grand dam (il vient d’être largué par son dernier petit ami, mais on comprend que ce n’est pas la première fois). Le décès d’un vieil oncle le contraint à rejoindre son Argentine natale, où il retrouve sa mère, sa sœur et sa tante, avec l’attente d’une autre mort, celle de son père agonisant.
- © 2024 Campo Cine. Tous droits réservés.
Introspection, règlements de comptes au sein d’une famille juive où les liens affectifs sont très forts : on semble être en terrain connu, quelque part entre Woody Allen (version grave) et l’univers que Jesse Eisenberg a déployé dans le récent A Real Pain. Pourtant la singularité du présent long métrage est réelle, et le titre original sombre et ironique (Los domingos mueren más personas) est beaucoup plus fidèle à l’esprit du film que sa version française, consensuelle et faussement accrocheuse. Car point de mère abusive ou d’autres parents envahissants dans ce récit : seulement les hésitations d’un personnage en quête d’identité, et hanté par l’image de la mort. Le ton décalé du film, ses digressions qui oscillent entre le burlesque et le tragique (l’accident de voiture après une soirée déguisée en discothèque gay) font le prix d’une œuvre qui impose un véritablement personnage de cinéma, Iar Said étant à la fois le réalisateur et l’interprète.
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Comme l’écrivent justement Romain André, Marion Naccache et Fanny Molins, cinéastes de l’ACID : « Un corps imposant, un peu balourd, qui regarde le monde avec des yeux d’une clarté presque irréelle. C’est David, personnage principal du film, interprété par son réalisateur : Iair Said. D’emblée : le pataud et la grâce, programme esthétique d’un film qui sauve toujours in extremis ses personnages des gags dans lesquels il semble les piéger. Autour de cet enfant trop âgé, le film va tisser un burlesque d’une tendresse dingue pour cette famille de juifs argentins qui doit se coltiner, en plus de la maladie, de la mort et du prix de la vie, ce garçon encombrant y compris, avant tout peut-être, pour lui-même ». L’œuvre, qui n’est pas sans évoquer aussi la démarche d’un Nicolas Maury (Garçon Chiffon), mais avec davantage de retenue, a par ailleurs le mérite de la concision (soixante-quinze minutes), quant tant de films d’auteur se gâchent par des longueurs superflues. Il serait dommage de passer à côté de ce film mélancolique et attachant, qui mérite un vrai détour.