Le 24 mars 2025
Un vrai coup de maître pour ce film tunisien qui épouse avec ravissement les contours du thriller et du drame social.


- Réalisateur : Mehdi M. Barsaoui
- Acteurs : Fatma Sfar, Yassmine Dimassi, Nidhal Saadi, Hela Ayed
- Genre : Drame, Thriller, Drame social
- Nationalité : Français, Italien, Tunisien
- Distributeur : Jour2fête
- Durée : 2h03mn
- Titre original : Aicha
- Date de sortie : 19 mars 2025
- Festival : Festival de Venise 2024

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Résumé : Aya, la vingtaine, vit encore chez ses parents dans le sud de la Tunisie et se sent prisonnière d’une vie sans perspectives. Un jour, le minibus dans lequel elle fait quotidiennement la navette entre sa ville et l’hôtel où elle travaille s’écrase. Seule survivante de l’accident, elle réalise que c’est peut-être sa chance de commencer une nouvelle vie. Elle se réfugie à Tunis sous une nouvelle identité, mais tout est bientôt compromis lorsqu’elle devient le principal témoin d’une bavure policière.
Critique : Débarquer à Tunis pour refaire sa vie n’est pas des plus simples, d’autant quand on est présumé mort d’un accident de voiture tragique. C’est le drame d’Aya, parvenue miraculeusement à s’échapper de la carcasse d’une voiture dont tous les passagers seront déclarés morts sur le coup, jusqu’à cette étrangère ramassée en bord de route dont le corps sera confondu avec le sien. La jeune femme débarque ainsi dans la capitale tunisienne, officiellement décédée, et pourtant déterminée à réussir sa nouvelle existence. Les premières difficultés qu’elle rencontre demeurent l’accès à un logement, et elle finit par trouver une chambre en colocation avec une propriétaire très accueillante, qui va lui faire découvrir la vie nocturne et jeune de Tunis.
- © Cinétéléfilms, Dolce Vita Films, Dorje Film, 13 Prods. Tous droits réservés.
Le drame se précipite justement lors d’une soirée dans une discothèque branchée où elle va se retrouver malgré elle au cœur d’une bavure policière. Aïcha n’est pas un simple drame. Derrière cette mort pas complètement accidentelle, résonne le printemps arabe où la jeunesse tunisienne est parvenue à renverser le pouvoir, dévoré par la corruption et la privation de liberté. En quittant la petite ville où Aya travaillait dans un hôtel touristique, elle découvre une vie urbaine ravagée par la drogue, les violences, qu’elles émanent de la police ou des conjoints. Le contraste est brutal, et son désir d’émancipation se retrouve rapidement aux prises avec d’autres réalités sordides qu’elle était loin d’imaginer depuis sa ville de naissance.
Il faut saluer le rythme, l’ingéniosité du scénario qui apportent au récit une intensité particulière. Mehdi M. Barsaoui s’était brillamment démarqué avec son premier long-métrage, Un fils. Nous n’avions pas tort de discerner en lui un réalisateur prometteur. Le cinéaste déploie en effet une œuvre efficace, grâce à une écriture ciselée et remarquable qui tient en haleine le spectateur du début à la fin. Comme dans Un fils, le cinéaste joue avec les tensions sociales et politiques qui broient la Tunisie dans ses fondamentaux démocratiques. La police est présentée comme corrompue, brutale, nourrissant son fonctionnement à travers de fausses victimes et désignant a contrario des auteurs qui arrangent le positionnement officiel de l’État. Mehdi M. Barsaoui s’engage courageusement dans cette fiction nerveuse, où il cultive l’ambiguïté d’un pays qui hésite entre l’émancipation de son peuple et les replis réactionnaires religieux ou politiques.
- © Cinétéléfilms, Dolce Vita Films, Dorje Film, 13 Prods. Tous droits réservés.
Le titre Aïcha est particulièrement ingénieux. Sans révéler l’issue du film, la pertinence du titre s’éclaire peu à peu dans ce récit qui semble sans espoir. On retrouve le scénariste génial, capable, d’un coup, de renverser le tragique et d’offrir à la fiction de l’espérance. En ce sens, le long-métrage illustre le formidable espoir qui illumine le Maghreb d’aujourd’hui, avec une jeunesse qui a soif de liberté, de démocratie et d’intelligence, à la manière d’Un fils dont la fin permettait au spectateur de retrouver son souffle. Manifestement, Mehdi M. Barsaoui sait écrire un film. Il maîtrise toutes les ficelles du cinéma, sans jamais se soustraire à une mise en scène précise, inventive et généreuse.
Une nouvelle fois, Mehdi M. Barsaoui offre aux spectateurs un grand film qui vient abonder la richesse du cinéma tunisien, finalement assez peu connu en France. Plus que jamais, le long-métrage joue avec les normes, les codes culturels de la Tunisie, dans une langue qui s’affirme comme revendicatrice de liberté et de l’émancipation de la parole des femmes. Mais en plus de réaliser un film politique, le cinéaste écrit et met en scène une œuvre digne des meilleurs thrillers dans le cinéma mondial.
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