Le 25 mars 2025
Une adaptation honnête de l’ouvrage d’Azar Nafisi, d’une troublante actualité à la sortie du film, et portée par l’interprétation grandiose de Golshifteh Farahani.


- Réalisateur : Eran Riklis
- Acteurs : Golshifteh Farahani, Arash Marandi, Mina Kavani, Zahr Amir Ebrahimi, Arash Ashtiani, Ash Goldeh
- Genre : Drame
- Nationalité : Israélien, Italien
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Durée : 1h47mn
- Titre original : Reading Lolita in Tehran
- Date de sortie : 26 mars 2025

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Résumé : Azar Nafisi, professeure à l’université de Téhéran, réunit secrètement sept de ses étudiantes pour lire des classiques de la littérature occidentale interdits par le régime. Alors que les fondamentalistes sont au pouvoir, ces femmes se retrouvent, retirent leur voile et discutent de leurs espoirs, de leurs amours et de leur place dans une société de plus en plus oppressive. Pour elles, lire LOLITA à Téhéran, c’est célébrer le pouvoir libérateur de la littérature.
Critique : Produit par une société de production israélienne et tourné en Italie, Lire Lolita à Téhéran est l’adaptation de l’ouvrage éponyme d’Azar Nafisi. Cette universitaire iranienne était revenue dans son pays en 1979 après la révolution islamique, dut faire face à la censure des Mollahs quant à son enseignement de la littérature anglophone, démissionna, organisa un club clandestin de discussions littéraires entre femmes, partit en exil à Washington en 1997, avant de relater son expérience dans l’ouvrage qui la rendit célèbre. Écrit par la scénariste américaine Marjorie David, le récit adapté à l’écran est plutôt fidèle au matériau d’origine, tout en étant cohérent avec l’univers du réalisateur israélien progressiste Eran Riklis. Ce dernier précise dans le dossier de presse : « J’étais parfaitement conscient qu’il serait complexe de brosser un portrait de femmes aussi intimiste en Iran, tout en sachant que c’était un formidable défi émotionnel, qui s’appuie sur une vision universelle des combats de l’être humain – quelle que soit l’époque et quelle que soit la région du monde. Le film nous fait traverser toutes sortes d’émotions dans un microcosme marqué par l’angoisse et la peur, mais surtout par l’espoir et l’amour, mettant en avant la quête de certitude dans un monde incertain. Les femmes, dans notre récit, combattent la solitude tout en faisant face à des priorités, des décisions et des conséquences qui sont déterminantes à tout point de vue. Il s’agit d’une histoire qui parle d’intimité, d’amitié et de liens affectifs, reflétant les enjeux politiques du monde et les questions de loyauté et de trahison ».
- Golshifteh Farahani
- © 2024 Minerva Pictures, United King Films, Rosamont, Rai Cineman, Eran Riklis Productions, Topia Communications / Metropolitan Films. Tous droits réservés.
Le cinéaste retrouve l’inspiration qui fut la sienne avec La fiancée syrienne et Les citronniers, axés eux aussi sur des trajectoires féminines tourmentées par les soubresauts d’un environnement politique et social qui s’imposent à elles et brise leur libre arbitre tout en contrariant leurs attaches affectives. C’est ici bien sûr le cas d’Azar, incarnée avec conviction par une Golshiftey Farahani à son sommet, et qui s’est fortement identifiée à son personnage, compte tenu de son parcours. Refusant de porter le voile au nom d’une séparation de l’État et de la religion qui pour elle doit être une évidence, Azar s’attire les foudres d’un pouvoir auquel elle faisait initialement confiance. Son amour pour l’analyse littéraire au-delà de préjugés ancestraux la réduit à la marge, et elle échappe à l’exclusion seulement en raison de son statut de mère et d’épouse, son mari étant un ingénieur réputé.
- Zar Amin
- © 2024 Minerva Pictures, United King Films, Rosamont, Rai Cineman, Eran Riklis Productions, Topia Communications / Metropolitan Films. Tous droits réservés.
La place de la littérature, centrale dans l’ouvrage, est également capitale dans le film : Lolita de Nabokov est certes au cœur de la narration (avec les débats autour du mythe de la nymphette et sa comparaison avec la condition de la jeune fille iranienne), mais tout autant que Gastsby le Magnifique de Fitzgerald ou Orgueil et préjugés d’Austen : des parallèles entre l’art et la vie, au centre de discussions interdites. Le long métrage interpelle d’autant qu’il est interprété par des actrices iraniennes exilées : outre Golshiftey Farahani, on retrouve les excellentes Zahr Amir (Les nuits de Mashhad) et Mina Kavani et (Aucun ours). Si le parallèle avec l’actualité de l’Iran quant au sort réservé aux femmes donne au film une force supplémentaire, Lire Lolita à Téhéran souffre par moments d’un style un peu trop lisse, dû sans doute à la distance que le réalisateur a souhaité prendre avec son sujet, malgré sa réelle implication. Ce manque d’aspérités est largement compensé par les qualités que nous avons mentionnées.