Le 19 décembre 2021
Cruel observateur de son époque, JG Ballard a souligné dans ses œuvres les grands maux des existences urbaines : la consommation toujours renforcée, l’omniprésence de l’image dans nos vies à travers la télévision et la publicité, et le rapport ambigu de tout propriétaire de voiture avec son objet… Sans jamais se placer en penseur de son époque, l’écrivain a pourtant permis la réflexion sur le consumérisme. Thierry Paquot en fait la démonstration dans ce bref ouvrage captivant.
- Auteur : Thierry Paquot
- Collection : précurseurs de la décroissance
- Editeur : le passager clandestin
- Genre : Essai
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 20 octobre 2021
- Plus d'informations : Site de l’éditeur
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Résumé : Dans une collection visant à mettre en avant les précurseurs de la décroissance, Thierry Paquot s’intéresse à l’œuvre de l’auteur de science-fiction James Graham Ballard. A travers les thèmes de ses différents romans, Ballard a porté un regard critique sur les dérives consuméristes, sans pour autant remettre en question le système qui le produit. Ce court livre retrace le parcours des thèmes de l’un des écrivains les plus accessibles et dérangeants du XXème siècle.
Critique : Beaucoup connaissent l’œuvre de James Graham Ballard à travers les adaptations cinématographiques de l’Empire du Soleil, qui raconte l’errance d’un enfant à Shangaï, après l’invasion japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale, ou encore Crash, texte troublant sur le rapport de son personnage avec les accidents de voiture. Mais alors, quel rapport ont ces productions avec la décroissance, un concept plus récent qui encourage, selon l’expression de feu Pierre Rhabbi, « la sobriété heureuse » ?
Loin de livrer une œuvre politique dans le sens engagé du terme, Ballard raconte les dérives de la société contemporaine, jugées absurdes. Il anticipe également les conséquences d’une communauté déshumanisée, livrée aux écrans ou totalement standardisée dans ses comportements.
Comme prévient Paquot dans sa préface : « S’il n’est ni un idéologue ni un penseur de l’écologie et des alternatives frugales au capitalisme prédateur, certains passages de ses écrits participent éloquemment à la compréhension du capitalisme et se révèlent particulièrement éclairants ».
Le livre se construit ensuite en présentant le parcours de vie de Ballard, de son enfance à Shangaï, dans un camp d’européens qui ne se mêlait pas à la population chinoise, jusqu’à son arrivée dans la banlieue londonienne, d’où il peut « tout voir » à travers sa fenêtre. La perspective de son imaginaire l’entraîne donc à conjecturer les rapports entre ses semblables et l’architecture urbaine, les hypermarchés, la télévision, les automobiles…tout un environnement propice à la révélation des pires penchants de l’humanité. Dans son dernier roman paru en 2006, Que notre règne arrive ?, Ballard semble condenser toutes ses obsessions, en racontant comment un immense centre commercial asservit toute une ville. Difficile de ne pas établir un parallèle avec les questions liées à la consommation de notre époque : l’exportation, l’hyper-concentration, l’influence de la publicité, les comportements policés à l’extrême… On peut aisément établir le parallèle avec la série britannique Black Mirror, qui vise à prendre le contrepied des progrès technologiques, en mettant en avant l’asservissement humain qu’ils peuvent entrainer.
Pourtant, et c’est en cela que l’angle d’analyse de Thierry Paquot est particulièrement pertinent, l’auteur ne remet pas en cause ce qu’il décrit, ne milite pour un autre modèle ou n’encourage à une quelconque rébellion. Il se sert de la matière du quotidien qu’il observe pour se laisser aller à en imaginer les dérives. De là, il dépeint les cauchemars qui pourraient advenir si, poussé à l’extrême d’une vie sous contrôle, l’individu en perdait sa pensée critique. Dans un style malicieux, parfois dérangeant mais toujours juste, JG Ballard a construit une œuvre inégale, mais qui constitue une vision douce des cauchemars à venir.
Ce livre n’a d’autre volonté que d’investir la production d’un écrivain qui nous donne matière à penser. Dans une société contemporaine qui mêle réalité et dystopies, l’analyse demeure une défense essentielle contre la déstructuration de la pensée critique. L’ouvrage se termine par des textes choisis, qui non seulement valident la thèse de Thierry Paquot, mais rappellent le style précis, accessible et très agréable de Ballard. L’ouvrage est une invitation à plonger dans ses romans de science-fiction et à découvrir les autres titres de cette collection singulière, consacrée aux précurseurs de la décroissance.
128 pages
10€
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