Le 25 mars 2021
Un ouvrage pour ceux qui ont vu toute la série et s’interrogent sur son message. Une analyse poussée dans le domaine de la recherche. Que dit Black Mirror de nous et de nos comportements ? Le futur est-il aussi désespérément pessimiste ?
- Auteurs : Claudia Attimonelli, Vincenzo Susca
- Collection : L’imaginaire et le contemporain
- Editeur : Editions Liber
- Genre : Essai
- Nationalité : Française, Italienne
- Traducteur : Jean-Luc Defromont
- Date de sortie : 11 mars 2021
- Plus d'informations : Site de l’éditeur
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Résumé : Black Mirror, la série dystopique qui renvoie aux spectateurs leur propre usage de la technologie et les dangers qui en découlent, fait l’objet d’une étude universitaire. Dans ce livre, deux chercheurs italien et français s’interrogent sur le miroir de notre époque et surtout ce qu’il en adviendra, une « aurore numérique », où les corps disparaissent au profit des données.
Critique : Black Mirror est la série qui nous ouvre les yeux sur l’usage de la technologie. Dès le premier épisode en 2011, diffusé sur Channel 4 en Angleterre, le spectateur contemple ses propres dérives, qu’il s’agisse des réseaux sociaux, du voyeurisme ou des vidéos en ligne. Le titre « Black Mirror » renvoie à ces écrans omniprésents, annonciateurs de notre époque, où notre propre reflet est visible sur la surface noire. L’accueil critique, au moins pour les premières saisons, fut unanime et son sujet s’avère un objet de recherche tout à fait passionnant. Regarder cette série relève à la fois de la fascination et du dégoût, comme la consommation d’une drogue qui serait communément admise dans notre quotidien.
Le livre cherche à décrypter la réussite de cette franchise : l’anticipation mêlée à ce qui existe déjà. C’est cette alliance qui génère tant de troubles, le futur présenté n’étant pas désirable, parce qu’il met à mal notre humanisme.
L’ouvrage ne se veut ni explicatif, ni descriptif. Un rappel des épisodes de Black Mirror avec un résumé et les protagonistes aurait sans doute facilité la lecture. Dans le cas présent, les auteurs fondent leur thèse sur des exemples toujours pertinents, mais oublient que pour les spectateurs, voir Black Mirror relevait davantage de l’expérience plutôt que d’une volonté analytique. C’est le reproche qui peut être fait ici : le texte s’appuie sur la série pour développer l’idée d’une aurore numérique, sans que le corpus d’études, les épisodes, ne soit résumé.
Les différents opus décrivent chacun une situation déjà possible, mais poussée à l’extrême. Par exemple, une mère de famille peut enregistrer tous les faits et gestes de son enfant en surveillant son ordinateur ou son téléphone. Mais a-t-on vraiment envie qu’elle puisse voir à travers ses yeux et adapter tous ses comportements à ce qu’elle voit, ou serait-ce là un contrôle absolu qui laisse peu de places aux émotions, au dialogue, à l’échange, à l’apprentissage ?
Lorsqu’une femme vit dans une société où toute interaction sociale est notée et que ses droits dépendent de ses notes, le monde apaisé et merveilleux en façade est-il réellement enviable ? Que reste-t-il de nos espaces de liberté ?
Les exemples sont nombreux dans le livre. Chaque chapitre comporte le nom d’un épisode, pour mieux plonger dans ce futur numérique, accéléré par la pandémie mondiale que nous affrontons.
Considérer notre époque et notre quotidien comme une dystopie permanente, tel est l’objet de Black Mirror. Mais la série reste une fiction, qui alerte davantage sur les dangers potentiels qu’elle ne manifeste un rejet des technologies. Il est quand même permis de conserver cette humanité, en reprenant le contrôle des usages numériques, en érigeant toujours l’éthique au-dessus des conséquences que ceux-ci engendrent.
Si la vie actuelle occidentale peut apparaître comme un « spectacle permanent », il faut aussi regarder de l’autre côté du miroir, la part sombre que l’on ne voit pas parce qu’elle n’est pas montrée. Leibniz avait déjà théorisé en son temps « les mondes possibles ». La fiction donne à voir ces mondes possibles pour nourrir la réflexion sur l’environnement qui est le nôtre. Si Black Mirror en propose une vision sombre, dérangeante et angoissante, la réalité ne dépasse pas forcément la fiction. L’aurore numérique, c’est-à-dire la transformation de la corporalité en chair numérique selon les auteurs, semble poindre avec ce que la pandémie actuelle fait de nos rapports sociaux : contacts virtuels, communications par caméra interposée, applications pour organiser nos vies, etc.
Pourtant, le besoin de retrouver une présence physique demeure et la performance n’est plus autant un critère déterminant de nos vies depuis le début de la pandémie. L’aurore sera peut-être à la fois humaniste et numérique.
Le livre analyse donc l’oeuvre de fiction au regard de nos usages, parfois même des addictions qu’ils peuvent générer. La question du transhumanisme est sous-jacente, sans jamais être véritablement citée. Notre époque n’est-elle qu’une dystopie ? Là où Charlie Brooker alertait, le livre condamne plus fermement, appelant presque à se jeter à corps perdu pour dépasser l’humanisme. La thèse exposée ici dépasse sans doute l’ambition du créateur de la série.
184 pages - 18 €
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