Surround 5.1
Le 29 avril 2004
Le fantastique laboratoire sonore de Chicago continue à remodeler le paysage rock et prend quelques longueurs d’avance...


- Artiste : Tortoise

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Pas toujours bien comprise, volontairement opaque, la formation de Chicago à l’origine du post-rock fait pourtant partie, avec Radiohead et Björk, de ces trop rares artistes à avoir réussi à remodeler le paysage rock de ces dix dernières années. Ce cinquième album continue le travail entamé.
Peu de gens auraient pourtant misé au départ sur leur rock instrumental qui émergeait au beau milieu de la percée électronique. Alors que la plupart avaient rangé les guitares, John McEntire et ses quatre complices en faisaient au contraire l’élément central d’une musique volontairement hors du temps, mêlant des éléments de rock progressif à des textures ambiantes proches d’un Brian Eno. Cela donnera les albums Tortoise (1994), Millions now living will never die (1996), et surtout l’énorme TNT (1998), chef-d’œuvre de ce que l’on allait appeler post-rock. A cette époque, Tortoise donnait l’impression de faire de la musique électronique avec des éléments rock, et fut en tout cas grandement responsable du rapprochement vital de ces deux sphères musicales. Depuis, les cinq membres du groupe ont mis sur pied des dizaines d’autres projets, ont produit et lancé des dizaines d’autres groupes, contribuant à faire de Chicago (via leur label Thrill Jockey) la place forte du rock libre et audacieux. Et surtout, élément crucial à la progression actuelle du groupe, ils ont bâti SOMA, sans doute l’un des studios les plus en phase avec les technologies sonores actuelles.
Car aujourd’hui, Tortoise c’est avant tout un laboratoire sonore fantastique. Le groupe a su garder ses éléments de base (guitares suspendues, xylophones, nappes aériennes, quelques touches de jazz) pour les faire fusionner au sein d’un univers sonore hybride, en constante évolution, qui avait déjà donné le fantastique Standards de 2001. It’s all around est fondé sur un principe identique : ces mêmes éléments sont intégrés dans un nouvel espace sonore, plus électronique, qui semble encore s’être enrichi, et qui donne une fois de plus l’impression d’avoir des dizaines de longueurs d’avance sur tout le monde. Comme son titre l’indique, le disque fait la part belle à l’espace, et l’auditeur peut parfois se sentir très petit au milieu d’une telle maîtrise. Le diptyque The lithium stiffs/Crest est effrayant de beauté, révélant écoute après écoute d’autres couches de vernis sonores. Dot/Eyes alterne moments de retenue et déflagrations rythmiques, alors que le final de Salt the skies voit même les cinq esthètes débrider leurs guitares, histoire de salir quelque peu un spectre sonore parfois un peu trop immaculé.
Exigeant et volontairement très homogène, It’s all around you n’est donc sans doute pas encore le disque qui permettra à Tortoise de sortir du cercle fermé des "manipulateurs sonores anonymes". Mais il y a fort à parier que ni le groupe, ni son très fidèle public ne s’en plaindra.
It’s all around you, Tortoise (Thrill Jockey/Discograph)
Tracklisting :
1 It’s all around you
2 The lithium stiffs
3 Crest
4 Stretch (you are all right)
5 Unknown
6 Dot/Eyes
7 On the chin
8 By dawn
9 Five too many
10 Salt the skies