Le 16 avril 2024
- Acteur : Hafsia Herzi
Hafsia Herzi évoque le tournage de Borgo de Stéphane Demoustier, thriller carcéral rondement mené, et se confie sur ses différentes activités.
À l’affiche mercredi 17 avril 2024 du nouveau film de Stéphane Demoustier, Borgo, la comédienne Hafsia Herzi évoque le tournage de ce thriller carcéral rondement mené. Sans oublier de se confier longuement sur sa vision du jeu, son rapport à la direction d’acteurs, son prochain long métrage et ses nouvelles activités d’enseignante.
C’est un personnage assez trouble que vous interprétez ici. Comprenez-vous son parcours ?
À la lecture du scénario, j’ai été saisie par son caractère à la fois probable et réaliste. C’est ce qui m’a touchée et donné envie de me plonger dans ce rôle. Il y a une notion de confiance et d’abus de confiance qui me parlaient et rendaient le récit crédible.
Comment expliquer qu’elle soit à ce point manipulée malgré toutes ses bonnes intentions ?
Tout part de ses retrouvailles avec un détenu qu’elle a côtoyé dans son ancien travail. Elle veut vraiment lui faire confiance et a envie de croire en sa bonne foi mais elle tombe dans un engrenage dont elle ne peut se défaire, notamment quand les commanditaires du complot lui font comprendre qu’ils connaissent son adresse. Elle prend peur et ne contrôle plus rien, au point de donner des informations cruciales afin de s’en sortir.
Selon vous, qu’a t-elle gagné au cours de ce périple ?
Elle perd beaucoup à vrai dire. Elle se sauve, certes, mais à quel prix ! Elle commet un acte très grave malgré elle. Elle a des morts sur sa conscience. Ce drame va l’accompagner toute sa vie. Et ne restera probablement pas impuni.
Vous vous définissez comme une actrice instinctive. Cela signifie-t-il que vous privilégiez la spontanéité du jeu plutôt que de travailler vos personnages en amont ?
Au contraire, le fait de compter sur mon instinct demande un important travail de préparation et de recherche. Le fait d’être instinctive me conduit à ne pas me contenter du texte, mais à proposer des intentions de jeu et à réagir aux différents aléas d’un tournage. Cela induit une importante préparation. En l’occurrence, ici, je me suis longuement imprégné du milieu carcéral que je connaissais d’ores et déjà après m’y être confronté sur le deuxième film que j’ai réalisé, Bonne mère. J’avais rencontré du personnel de prison et des détenus. Pour Borgo, j’ai animé des ateliers de cinéma en prison. J’ai pu poser des questions aux surveillants sur leur métier, et les observer longuement. De plus, une de mes amies d’enfance a été surveillante à la prison des Baumettes à Marseille. J’ai pu m’inspirer de tous ces récits. Par ailleurs, un des personnages du film est interprété par un vrai surveillant de prison. Il m’a guidé afin que je reste le plus crédible possible. Le fait que le casting ait été composé de nombreux non-professionnels a amené une certaine vérité dans le jeu de chacun. Je n’avais alors qu’à me laisser porter par cette authenticité.
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C’est la première fois que vous tourniez avec le réalisateur Stéphane Demoustier. Qu’avez-vous appris à ses côtés ?
C’est agréable de tourner avec lui tant il s’agit d’un excellent directeur d’acteur, à la fois précis, ouvert à l’échange et à l’écoute. Ce n’est pas donné à tout le monde. Le plus souvent, les acteurs ne sont pas dirigés par leur metteur en scène. Je conseille souvent aux jeunes comédiens de ne rien attendre d’un réalisateur car peu d’entre eux parviennent à vous faire atteindre certaines émotions. J’ai débuté avec Abdellatif Kechiche qui est un grand directeur d’acteur. Mais par la suite, j’en ai rencontré d’autres qui n’avait aucune vision du jeu. J’ai compris qu’il fallait être indépendant, faire son travail intérieur et chercher le sous-texte de chaque scène. Parfois, à la lecture, on peut penser que certaines scènes sont faciles à interpréter. Or rien n’est jamais facile. D’où la nécessité pour un comédien de s’interroger sur la manière d’interpréter différemment ce qui est écrit sur le papier.
Maintenant que vous êtes également réalisatrice, comment dirigez-vous vos comédiens ?
J’aime privilégier des rapports humains basés sur la confiance. Nous devons nous inscrire dans un espace de discussion. En tant qu’actrice, je sais que c’est quand je me sens en confiance que je peux pleinement m’abandonner. Alors que quand je suis perturbé, cela peut bloquer certaines de mes émotions. De plus, j’aime m’entourer de gens qui vont m’apporter plus que ce que j’ai écrit.
Vous allez prochainement mettre en scène votre troisième long métrage. Que pouvez-vous nous en dire ?
Il s’agit d’une adaptation de La Petite dernière où une fille de cité se découvre une attirance pour les femmes. On suit son cheminement jusqu’à l’acceptation de son homosexualité. Le financement a été complexe car nous n’avons par bénéficié du soutien du CNC. Heureusement, des partenaires comme Eurimages et Arte ne nous ont pas fait défaut. Nous devrions débuter le tournage d’ici peu.
Vous vous êtes récemment installée à Nancy où vous avez été nommée à la présidence de l’Institut Européen de Cinéma et d’Audiovisuel. En quoi consistent vos nouvelles fonctions ?
Les équipes pédagogiques m’ont contacté dès lors qu’elles ont su que je m’installais à Nancy. J’en ai été ravie car j’éprouvais depuis un moment le besoin de transmettre. Je fais régulièrement des interventions auprès des étudiants qui ont sérieusement besoin d’enrichir leur culture cinématographique. Il y a quelques mois, lorsque je leur ai dis que je venais de tourner dans le nouveau film d’André Téchiné, aucun d’entre eux ne savait de qui il s’agissait. Ils sont néanmoins de bonne volonté. Plusieurs d’entre eux effectueront un stage sur le tournage de mon film.
Propos recueillis par Nicolas Colle
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