Le 20 avril 2024
Si la représentation qui est faite de la Corse par Stéphane Demoustier est assez calamiteuse, le film dégage une puissance narrative digne des meilleurs thrillers.
- Réalisateur : Stéphane Demoustier
- Acteurs : Florence Loiret-Caille, Hafsia Herzi, Michel Fau, Pablo Pauly, Henri-Noël Tabary, Cédric Appietto, Moussa Mansaly, Louis Memmi, Anthony Morganti, Louis Starace
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Drame carcéral
- Nationalité : Français
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 1h58mn
- Date de sortie : 17 avril 2024
- Festival : Festival International du film Policier de Reims 2024
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Résumé : Mélissa, trente-deux ans, surveillante pénitentiaire expérimentée, s’installe en Corse avec ses deux jeunes enfants et son mari. L’occasion d’un nouveau départ. Elle intègre les équipes d’un centre pénitentiaire pas tout à fait comme les autres. Ici, on dit que ce sont les prisonniers qui surveillent les gardiens. L’intégration de Mélissa est facilitée par Saveriu, un jeune détenu qui semble influent et la place sous sa protection. Mais une fois libéré, Saveriu reprend contact avec Melissa. Il a un service à lui demander… Une mécanique pernicieuse se met en marche.
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Critique : Mélissa est maton. Elle porte inlassablement son prénom dans un collier comme un emblème de sa différence dans un territoire, la Corse, traversé par des questions d’identité régionale poussées à leur paroxysme. Elle vient d’être mutée dans un centre de détention et au-delà de la difficulté de son métier, le plus complexe demeure de se faire une place dans et hors la prison. L’installation est d’autant plus complexe que son compagnon est noir et que les comportements des enfants ne correspondent pas vraiment aux standards attendus de la cité où ils vivent. Borgo va bien au-delà du film sur l’univers carcéral. Il s’inscrit dans le contexte corse où l’affirmation de l’identité régionale se heurte aux mafias locales qui battent le chaud et le froid sur l’île merveilleuse.
Stéphane Demoustier excelle dans le polar noir et labyrinthique. Après le très bon La fille au bracelet, il s’engage dans un thriller sombre où une jeune femme tente de se trouver une place dans un univers où les repères sont brouillés par des enjeux régionalistes et mafieux. La prison où elle travaille reproduit en réalité les rapports de force qui se jouent sur l’Ile. Dès les premières séquences, sous couvert d’une musique dramatique, le spectateur ressent la profondeur narrative du film, assez proche d’un film d’André Téchiné. L’héroïne occupe le premier plan, dans une société et l’institution carcérale où le patriarcat règne en maître, régulant les relations sociales au sein des communes environnantes.
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Hafsia Herzi évolue magnifiquement dans ce milieu d’hommes. Cette comédienne merveilleuse fait la démonstration d’une capacité à jouer tous les rôles. Elle incarne une jeune mère autant influençable que campée dans une posture défensive pour s’affirmer devant les détenus qu’elle encadre. Sa voix passe par toutes sortes de tonalités, qui donnent à voir les capacités physiques et psychologiques de l’actrice pour incarner la complexité du personnage qu’elle joue. La fragilité, la dureté, la détermination deviennent autant de traits de caractère qui font de Mélissa un être complexe, aveuglé par des desseins qu’on ne parvient pas à lire, et déterminé à se trouver une place au sein de la prison et de la société corse.
Borgo sort du film de procès de La fille au bracelet pour s’intéresser au genre du drame carcéral. La dimension éthique est aussi au cœur du récit de Borgo. Pendant tout le film, le réalisateur joue habilement entre l’enquête policière et le récit psychologique. Les temporalités se mélangent, la culpabilité de la protagoniste et des délinquants qu’elle rencontre est en permanence remise en question par les pressions mafieuses et l’environnement social. Dans un sens, Stéphane Demoustier place le spectateur dans la position d’un juge qui doit apprécier le moment où Mélissa faillit à son devoir déontologique en sa qualité de gardienne de prison. De plus, le long métrage décrit la très grande difficulté d’un métier, surveillant pénitentiaire, mal payé, violent, déconsidéré, en permanence mis à l’épreuve de la rigidité de l’administration et de la manipulation des détenus.
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Borgo s’affirme comme une fiction coup de poing. L’univers carcéral est décrit avec précision avec ce qu’il peut renvoyer de contradictions institutionnelles, de violence et de rapports de force. Le point de vue est assez différent du film de Jacques Audiard Un prophète dans la mesure où le contexte corse est très spécifique. De plus, le scénario s’appuie sur le pouvoir d’influence non pas d’un homme âgé mais d’un tout jeune homme, apparemment puissant dans sa capacité à réguler les relations sociales au sein de la prison et dans le quartier d’où il est issu. Dans tous les cas, la fiction est passionnante et la tension permanente jusqu’à l’issue finale. À l’écriture très précise s’ajoute un choix judicieux de la mise en scène qui superpose les différentes temporalités.
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