Le 19 octobre 2013
- Festival : Festival Lumière
Cinquième journée de festival. Au programme : remise du Prix Lumière, nuit Monty Python, Moïse vu par DeMille et la crème de la Nouvelle Vague tchèque.
Cinquième journée de festival. Au programme : remise du Prix Lumière, nuit Monty Python, Moïse vu par DeMille et la crème de la Nouvelle Vague tchèque.
C’était il y a quelques heures. L’actrice Uma Thurman, la mariée de Kill Bill et la déglinguée Mia Wallace de Pulp Fiction remettait le prestigieux Prix Lumière à Quentin Tarantino. Les petits veinards qui se sont arrachés en quelques heures les places pour l’événement pourront en prime se galvaniser de la présence de l’acteur Harvey Keitel, grand ami du génial réalisateur. Pour les autres, pas de panique, vous avez encore jusqu’à dimanche pour vous rendre sur La Plateforme, le village de nuit du festival, où Tarantino ne perd apparemment pas une occasion de discuter avec le tout venant autour d’un verre ! Peut-être bien que Mister white suivra le mouvement... Autre événement, toujours en cours à l’heure où nous rédigeons ces quelques lignes (1 h 46 du matin pour être précis, assumons notre statut de cinénoctambule...), la nuit Monty Python, qui verra défiler jusqu’à 7 h du matin (petit déjeuner offert pour les survivants) Sacré Graal et ses cavaliers sans chevaux (la scène du chevalier noir est à mourir de rire), La vie de Brian, genre de Deux heures moins le quart avant Jésus Christ à la sauce british et Le sens de la vie, satire loufoque sur la société contemporaine portée par la fameuse séquence des philosophes s’initiant aux joies du ballon rond. Pour terminer, une compilation des meilleurs sketchs des déjantés de la couronne. Tagada, tagada, fraises ou cheval ?
- Charlton Heston et Yul Brynner dans "Les dix commandements"
« So let it be written, so let it be done » : revoir Les Dix commandements
Curieux de commencer par la soirée, mais ça ne fait pas de mal de bousculer nos petites habitudes. 20 heures 10 pétantes, nous étions donc confortablement installés dans un charmant fauteuil de couleur bleue (notre popotin et nos pauvres lombaires remercient d’ailleurs chaleureusement le Pathé Cordeliers pour ses efforts) à écouter les anecdotes d’Yves Montmayeur, réalisateur du documentaire sur Haneke projeté hier et vieux briscard du festival qui présentait Les dix commandements. Le pauvre n’a malheureusement pas pu parler très longtemps en raison des quasi quatre heures de projection. Il faut dire qu’il y en a qui ont un métro à prendre avant d’aller rêver de Moses (c’est plus cool en anglais), de Ramsès et des tables de la loi. Qualité d’image impeccable, chips façon tacos (à grignoter avant la séance pour éviter les crisp crisp !) et désir de voir cette merveille sur grand écran, tout était réuni pour une rencontre au sommet entre Yavhé, celui qui n’a pas de nom dans le film (Harry Potter se serait-il inspiré ?) et le spectateur ébahi. Tournée en technicolor, cette fresque monumentale réalisée en 1956 par Cecil B. DeMille (remake de son film éponyme en noir et blanc) est sans conteste, avec Ben Hur, le plus grand péplum de toute l’histoire du cinéma. 60 ans plus tard, le film n’a pas pris une ride et garde cette aura propre aux chefs d’œuvres intemporels.
Le trio Charlton Heston (Moïse), Yul Brynner (Ramsès) et Anne Baxter (Néfertari), désormais entré dans la légende, est époustouflant et on se doute bien que les effets spéciaux utilisés ont du être un vrai choc à l’époque. DeMille réussit son pari, faire revivre des personnages entre histoire et mythe en glissant ça et là quelques cocasseries toutes anachroniques, de belles romances et d’authentiques baisers de cinéma. De l’Hollywood classique pur jus. Si un certain nombre de scènes (Moïse revenant totalement illuminé et les cheveux gris du mont Sinaï, la sexy Néfertari minaudant pour attirer l’attention de son prince nous font aujourd’hui sourire, les morceaux de bravoures restent eux toujours aussi incomparables. Soutenue par la musique de papa Bernstein, l’ouverture de la mer rouge et l’engloutissement des chars de Pharaon resteront à jamais gravés dans la mémoire de tous les cinéphiles.
Mémoire collective
Autant le dire tout de suite, Milos Forman mis à part, on ne connaissait strictement rien à la Nouvelle Vague tchèque, dont le réalisateur de Chronique morave, Vojtech Jasný a été l’un des principaux pères. Prix de la mise en scène au Festival de Cannes 1969, le film est une vraie merveille tant sur le fond que sur la forme. En 1945, la Tchécoslovaquie devient un satellite de Moscou et met rapidement en pratique la collectivisation des terres et des logements. Le narrateur présente la vie d’un petit village de Moravie et de ses habitants pris dans les remous d’une dictature communiste (avant tout idéologique) du départ des Allemands aux prémices du Printemps de Prague. Au fil du temps et des saisons, les uns s’accrochent à leur besoin de liberté tandis que les autres choisissent d’aller dans ce qu’ils pensent être le sens de l’histoire. Ni plus ni moins. Pourtant, grâce à une mise en scène des plus subtiles qui ne cherche jamais à juger en pointant ostensiblement du doigt les salauds, Jasný nous livre une chronique pleine d’espoir. Une véritable rigueur documentaire côtoie alors un incroyable souffle de vie qui vient s’inscrire en contrepoint de la violence et de la mort, pourtant omniprésente mais prenant davantage des allures de jeu de hasard que celle de la fatalité. Chronique morave, délestée de la pesanteur de sa propre histoire, est dénué de tout manichéisme et honnit la complaisance. Le film fait aussi un pied de nez au malheur, émaillé de somptueuses séquences de fêtes, de chants rassembleurs et de bal populaire.
Embrasser les destins d’autant de personnages sans tomber dans l’anecdote et la mise en série relevait presque de l’impossible. Bertolucci y était partiellement parvenu dans 1900, mais décrédibilisait d’une certaine manière son récit par le recours à des personnages trop sanguinaires ou trop héroïques. Vojtech Jasný, plus directement sincère dans sa volonté d’exposition quasi brute, réussit lui le tour de force de créer une véritable empathie pour chacun des membres de cette communauté villageoise. Ce qui frappe dans cette chronique relatant plus de vingt ans de vie et d’aliénation de l’homme forcé à suer sang et eau pour une idéologie en laquelle il ne croit pas, c’est tout simplement cette infinie capacité de résilience du genre humain. L’individu, malgré toutes ses grandes ou petites lâchetés -puisque c’est bel et bien de courage et de lâcheté qu’il s’agit-, fait dans tous les cas partie d’un tout et cherche à gérer à sa façon le poids d’une réalité qui l’oppresse. A la manière du Lacombe Lucien de Louis Malle, le film navigue en eau trouble et cherche avant tout à comprendre, nous permettant de réfléchir sur la notion de choix. Filmant les champs et travaillant la lumière à la manière d’un Malick dans Les moissons du ciel, Jasný réalise une œuvre en tout point somptueuse, qui n’a pas son pareil pour transcrire en images l’attachement des paysans à leur terre. A la fois âpre et radical comme le Partie de chasse de Bilal, humainement beau comme Chronique des années de braise et, comme l’était 1900, pétri avec beaucoup d’humour, cette chronique morave est un film absolument essentiel à intégrer au plus vite dans votre collection.
Galerie photos
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