Le sang sur la neige
Le 15 septembre 2014
Skolimowski en grande forme allie le réalisme à l’onirisme dans ce palpitant périple d’un homme traqué luttant pour sa survie dans une forêt de conte de fées.
- Réalisateur : Jerzy Skolimowski
- Acteurs : Emmanuelle Seigner, Vincent Gallo, Klaudia Kaca, Dariusz Juzyszyn
- Genre : Aventures, Film de guerre, Survival
- Nationalité : Irlandais, Polonais, Norvégien, Hongrois
- Durée : 1h23mn
- Date de sortie : 6 avril 2011
- Plus d'informations : http://www.facebook.com/essentialkilling
Skolimowski en grande forme allie le réalisme à l’onirisme dans ce palpitant périple d’un homme traqué luttant pour sa survie dans une forêt de conte de fées.
L’argument : Capturé par les forces américaines en Afghanistan, Mohammed est envoyé dans un centre de détention tenu secret.
Lors d’un transfert, il réchappe d’un accident et se retrouve en fuite dans une forêt inconnue.
Traqué sans relâche par une armée sans existence officielle, Mohammed fera tout pour assurer sa survie.
Notre avis : Après le magnifique Quatre nuits avec Anna, Jerzy Skolimowski change de registre avec ce nouvel opus présenté en compétition à la Mostra de Venise 2010, où il a réussi un doublé inédit, obtenant à la fois le Prix spécial du Jury et, pour Vincent Gallo, la Coupe Volpi du meilleur interprète masculin.
C’est la rumeur concernant l’utilisation par La CIA d’un aéroport militaire situé près de chez lui, en Pologne, pour le transit de prisonniers en provenance du Moyen Orient qui a fourni au cinéaste le point de départ du scénario écrit en collaboration avec Ewa Piaskowska.
Mais bien que le protagoniste soit un terroriste musulman et qu’après sa capture nous ayons droit à une description précise de la technique de torture du waterboarding employée par les forces américaines, l’aspect politique du sujet n’intéresse pas Skolimowski qui se refuse à porter tout jugement et nous invite à accompagner le périple essentiel d’un personnage à priori antipathique dans sa lutte pour la survie.
Certes quelques efforts sont faits pour l’humaniser : son regard effaré lorsque, dans les scènes d’ouverture, il doit tuer, sans doute pour la première fois, et les flashbacks maladroits (assurément le point faible du film) visualisant les souvenirs qui surgissent dans sa tête et nous informent de ses motivations (La guerre est bonne pour toi bien qu’elle te soit odieuse). Mais Vincent gallo, qui ne profère pas un seul mot en 83 minutes, évite heureusement de jouer le jeu de la psychologie et reste parfaitement impénétrable, se concentrant sur l’aspect physique de son rôle.
Et Skolimowski, le boxeur de Walkover, n’a pas son pareil pour filmer avec une exactitude parfois éprouvante (la scène où Mohamed enlève sa chaussette ensanglantée pour détourner les chiens lancés à sa poursuite) une suite haletante d’actions en temps réel qui tiennent de l’exploit sportif et en ont, au bout du compte, la gratuité. Car, comme le dit le cinéaste, même s’il (Mohamed) parvient à (s’) échapper [...] pourra-t-il jamais retrouver une vie normale après avoir ainsi vécu dans la perspective de devoir tuer ou de se faire tuer ?
Skolimowski donne délibérément au voyage extrême d’un étranger vers le néant existentiel l’allure d’un conte ayant pour cadre d’impressionnants décors naturels non localisés : un incroyable paysage montagneux, fait de crevasses et de plateaux désertiques (filmé en Israel, près de la Mer Rouge) ou une forêt enneigée (en Pologne et en Norvège) tout droit sortie d’un conte de Grimm.
La musique minimaliste de Pawel Mykietyn, la scène quasi burlesque avec la femme au vélo portant son bébé sous le manteau et le personnage totalement improbable de la muette habitant seule dans une maison isolée au fond des bois (Emmanuelle Seigner) témoignent également ce parti-pris.
Mais c’est surtout la présence des nombreux animaux ne cessant de surgir inopinément et observant le héros avec une espèce de curiosité bienveillante qui donne à Essential killing son atmosphère particulière. Daims, chiens, sangliers, cheval blanc au col ensanglanté debout dans la neige : ce sont eux qui éloignent le film du tour de force spectaculaire qu’il est aussi pour l’entraîner dans un monde étrange où réalisme et onirisme font bon ménage.
La bande-annonce : ICI
Galerie Photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
roger w 13 avril 2011
Essential killing - La critique
Après un début sur les chapeaux de roue et une déambulation dans la neige qui, parfois, atteint le sublime lors de quelques séquences oniriques du meilleur effet, le film de Skolimovsky a la mauvaise idée de finir sans qu’aucun sens ne se dégage vraiment. Même si l’ensemble est très bien réalisé, on a un peu le sentiment de rester sur notre faim, tant le sens semble faire défaut (ou nous a peut-être échappé).
Charly2209 13 avril 2011
Essential killing - La critique
C’est justement parce que le réalisateur n’a pas suivi les code du film de traque qu’il ne fonctionne pas. Et même en temps que film expérimental ça ne fonctionne pas, c’est trop lent, trop creux pour séduire.
Critique alternative ici : http://lesitedelaverite.fr
Voir en ligne : Essential Killing
Frédéric de Vençay 29 avril 2011
Essential killing - La critique
Traque prenante à la mise en scène plasticienne absolument superbe (l’une des plus belles de ce début 2011). Les décors, magnifiés par la caméra et la photographie de Skolimowski, emprisonnent un Vincent Gallo christique, une fois de plus éblouissant dans ce rôle physique. L’expérience en immersion ouvre tous les sens et s’avère captivante, malgré un essoufflement en fin de parcours.
Jean-Patrick Géraud 12 mai 2011
Essential killing - La critique
L’homme est un loup pour l’homme : la formule est galvaudée, mais rarement elle a été illustrée avec autant de force que dans ce film qui pourrait rappeler, à certains égards, le Délivrance de Boorman. Gallo et Seigner, entre le mime et l’animal, campent à merveille un drame qui pousse à son paroxysme le portrait d’un monde où la cruauté, le fanatisme, la guerre ont ravagé jusqu’à l’hypothèse d’une civilisation. Certaines séquences (Gallo harcelé par des chiens) sont vertigineuses, d’autres un peu lentes, mais l’ensemble est épatant.