Sabre au poing
Le 10 novembre 2010
Comme les deux précédents, le troisième film de Skolimowski, jeu de l’oie déroutant et poétique, subjugue par sa modernité nerveuse et sa grâce aérienne.

- Réalisateur : Jerzy Skolimowski
- Acteurs : Jan Nowicki, Joanna Szczerbic, Tadeusz Lomnicki, Stefan Friedmann, Maria Malicka
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Polonais
- Editeur vidéo : Malavida
- Plus d'informations : http://www.malavidafilms.com/malavi...

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– Titre original : Bariera
– Durée : 1h17mn
– Sortie DVD : 4 novembre 2010
Comme les deux précédents, le troisième film de Skolimowski, jeu de l’oie déroutant et poétique, subjugue par sa modernité nerveuse et sa grâce aérienne.
L’argument : Sur un coup de tête, un jeune homme laisse tout tomber pour partir à la conquête du monde. Le choc des générations dans la Pologne des années 60, au travers des méandres capricieux des amours d’une jeune conductrice de tramway et d’un étudiant en rupture d’université.
Notre avis : Une série de gros plans de mains attachées derrière des dos que la caméra découvre en reculant et qui soudain basculent dans le vide : dès son étonnante scène d’ouverture, Bariera, le troisième long métrage de Jerzy Skolimowski, après Rysopis et Walkover , se présente comme un jeu à grande échelle aux allures de rituel étrange et dont les règles resteront énigmatiques.
Sont-ce des épreuves initiatiques que le héros doit traverser, lorsque par exemple il escalade une façade d’immeuble vétuste où sont accrochés des poulets vivants, sous le regard d’une foule muette ? Et pourquoi lui remet-on ce sabre qu’il va trimballer tout au long de ses pérégrinations ressemblant à un jeu de l’oie dans les décors toujours surprenants d’une Pologne fantasmagorique où le socialisme réel a perdu toute signification (il n’y est quasiment question que d’argent et de grosses voitures), et où l’on brûle des armées de cierges au bords des routes.
Car les signes et symboles de la religion catholique sont omniprésents, mais comme rendus inoffensifs, délestés du poids de sens écrasant dont ils sont habituellement chargés : des religieuses en cornette blanche, sortant d’une cabine téléphonique, expliquent péremptoirement leur présence dans les rues à une heure indue : « On attend la résurrection ».
On voit que le joyeux iconoclasme de Skolimowski ne respecte ni l’Etat ni la religion et on s’étonne que la censure ait laissé circuler une oeuvre aussi audacieuse et aussi peu récupérable.
Cela n’allait pas durer : le film suivant Rece do góry - Haut les mains !, tourné en 1967, restera bloqué pendant près de quinze ans et le cinéaste sera contraint de quitter la Pologne pour poursuivre sa carrière ailleurs.
D’une beauté épurée et tranchante, Bariera est un film en état de grâce qui ne cesse de surprendre par son inventivité formelle et un constant bonheur des trouvailles visuelles, toujours déroutantes, gratuites si on veut, mais jamais vaines. Un film-poème nerveux et aérien à l’énergie communicative et revigorante qu’une mélancolie discrète et une angoisse souterraine rendent poignant.
Le DVD
Les trois premiers films de Skolimowski viennent enrichir, à partir du 4 novembre, le riche catalogue de Malavida. Bariera bénéfie, comme les deux autres titres, d’une édition un brin sommaire mais de fort bonne qualité. Indispensable.
Les suppléments
Le film, rien que le film. (Mais quel film !)
Image
La copie est vraiment belle et la numérisation parfaitement réussie, permettant d’apprécier dans les meilleures conditions la magnifique photo au noir et blanc très tranché de Jan Laskowskié.
Son
Une piste mono propre et sans défauts qui rend justice à la musique de Krzysztof Komeda et aux choix de mixage : tout est post-synchronisé, comme dans la plupart des films de cette époque, mais Skolimowski tire de cette contrainte des effets de déréalisation souvent percutants
La bande-annonce : ICI