Attrapera ? Attrapera pas ?
Le 1er novembre 2010
Le premier long métrage de Jerzy Skolimowski, merveille d’urgence poétique, est une des révélations majeures du cinéma moderne des années 60.
- Réalisateur : Jerzy Skolimowski
- Acteurs : Jerzy Skolimowski, Elzbieta Czyzewska, Tadeusz Minc
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Polonais
- Distributeur : Malavida Films
- Editeur vidéo : Malavida
- Durée : 1h16mn
- Titre original : Rysopis
- Date de sortie : 20 mars 2019
- Festival : Festival de Cannes 1965
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– Sortie en version restaurée : 20 mars 2019
– Année de production : 1965
– Sortie en DVD : 4 novembre 2010
L’argument : Les errances d’un jeune homme, les quelques heures qui précèdent son départ pour le service militaire.
Notre avis : Une voix dans l’obscurité, une allumette qui soudain éclaire un visage, quelques mots échangés en contre-jour dans l’entrée d’un immeuble, un prodigieux travelling avant qui accompagne l’avancée dans la rue d’un groupe de fêtards finissant par monter dans un tram au petit matin : ces quelques plans qui précédent le générique de Rysopis sont d’une beauté poignante à couper le souffle. Il nous entraînent d’emblée dans le mouvement irrésistible qui va parcourir tout le film.
Ce premier long-métrage de Jerzy Skolimowski, 26 ans, s’inscrit bien sûr dans le mouvement général de renouvellement qui apporte un formidable courant d’air frais dans le paysage d’une cinématographie mondiale figée dans les corporatismes et les carcans narratifs. Mais il le fait avec un allant, une grâce impétueuse qui n’appartient qu’à lui.
Comme dans ses trois films suivants le cinéaste est à la fois derrière et devant la caméra, puisque qu’il incarne lui-même Andrzej Leszczyc, l’étudiant en ichtyologie qui se fout dedans lors de son examen d’aptitude au service militaire (il partira deux ans au lieu de trois mois) parce qu’il a décidé, plus ou moins consciemment, de se libérer de tout ce qui faisait sa vie jusque là : études, perspectives professionnelles, liens conjugaux.
C’est donc lui que la caméra accompagne au fil de ses allées et venues pendant ses quelques heures d’existence suspendue, entre sa nouvelle vie et l’ancienne. Cette suspension qui libère Rysopis de toute contrainte narrative et l’installe quasiment en état d’apesanteur n’évacue pas, bien au contraire, la perception physique du monde. Celui-ci surgit à tout instant avec une immédiateté concrète que peu de films nous font éprouver aussi intensément.
Il faut dire que Skolimowski acteur, est un sportif qui aime les défis, même, et surtout, s’ils semblent inutiles : rattraper un tram en marche sous les commentaires narquois de deux passagers, se faire plonger la tête dans un bocal rempli d’eau par des amis auxquels on doit de l’argent, voire même répondre à une interview devant un micro qui n’est pas branché (et refuser de recommencer pour de vrai).
Ce côté sportif et ce goût du défi sont omniprésents aussi dans la manière de filmer, avec cette caméra toujours en mouvement, ces cadrages insolites, cette virtuosité décapante mais jamais gratuite.
La scène vertigineuse de l’escalier, où nous précédons le héros qui dévale les marches sur plusieurs étages avant de débouler dans la cour, faisant tomber une gamine occupée à jouer à la marelle avec ses amies (nous les entendons compter avant de les voir) et provoquant enfin le contrechamp attendu du jeune homme balbutiant ses excuses, dérouta le public du festival de New-York en 1965, faisant écrire à un critique que le cinéaste avait eu la gentillesse de faire visionner ses rushes aux spectateurs.
Elle est exemplaire du refus de Skolimowski de recourir aux conventions et aux chevilles dramatiques du cinéma classique et de s’enfermer dans tout système figé. Il nous fait percevoir que le destin du héros pourrait bifurquer à tout moment, par exemple s’il interrompait sa course et s’arrêtait sur un palier, et nous communique une vive sensation d’avancée enivrante sans plan préconçu, dans le mouvement même de la vie.
Quel bain de jouvence revigorant que de voir et revoir inlassablement cet étourdissant poème visuel dont le réalisme oscille de manière à peine perceptible vers un fantastique tout juste effleuré. Sa vivacité, son humour, son inventivité formelle, sa discrète mais mordante touche de romantisme sont restés intacts.
Rysopis partage cette urgence poétique avec les trois autres films tournés dans la foulée en Pologne : Walkover, Bariera et Haut les mains. Mais on la retrouvera souvent par la suite malgré les hauts et les bas (Roi, dame, valet) d’une carrière atypique, que ce soit dans Le départ, Deep end, Moonlightning ou ailleurs. Le récent et magnifique Quatre nuits avec Anna a prouvé qu’à 70 ans, et après une longue pause consacrée à la peinture et à l’écriture, Skolimowski n’a pas fini de nous surprendre et de nous émerveiller.
Le DVD
C’est un événement de première importance pour tout amoureux du cinéma vivant que la sortie simultanée en DVD, dans des éditions de bonne qualité, des trois premiers longs-métrages de Skolimowski. Ces joyaux viennent enrichir le catalogue déjà fort riche de Malavida.
Les suppléments
Une fois n’est pas coutume : il y en a, et pas des moindres, puisque ce sont les quatre tout premiers (très) courts-métrages de Skolimowski. L’occasion de constater que tout était déjà là chez le jeune débutant de 22 ans : humour, inventivité formelle étourdissante, émotion à peine perceptible. 20 minutes de bonheur qui prolongent celui éprouvé à la vision de Rysopis.
Image
La copie n’est pas exempte de griffures mais les discrètes marques du temps n’entachent pas la beauté d’une superbe photo noir et blanc qui arrive à concilier un raffinement extrême de la composition à l’urgence de la saisie de l’instant. Le report permet de l’apprécier dans des conditions quasi optimales.
Son
Il faut monter le son pour pleinement profiter d’un travail de mixage fort subtil et très élaboré, faisant coexister de manière stimulante voix off et citations musicales avec une post-synchronisation volontairement décalée. Certes ce son un peu étouffé donne au film un caractère chuchoté qui n’est pas un contresens mais on peut douter qu’il soit entièrement conforme aux intentions de l’auteur.
- © Malavida
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